Les applications de rencontres en Chine sont de plus en plus réglementées par le gouvernement. Leur réglementation accrue fait partie des mesures prises par le gouvernement pour promouvoir le taux de natalité. Ces mesures ont des implications plus larges pour la communauté LGBTQ+, qui connaît présentement un recul de ses libertés.
Le cofondateur de ShanghaiPRIDE, Raymond Phang, explique que « l’identité LGBTQ+ n’est pas perçue comme étant un élément devant faire partie de la mentalité culturelle chinoise. C’est vu comme quelque chose d’étranger, une influence de l’Occident, et c’est utilisé comme outil pour diffuser de la propagande et des [programmes] politiques. »
La Chine connaît actuellement le plus bas taux de natalité de son histoire, d’après The Guardian. Le contrôle des applications de rencontres représente notamment une tentative de créer des couples, de potentiels mariages et peut-être de futures familles..
M. Phang précise que les droits des personnes LGBTQ+ ne sont pas protégés en Chine et que peu de mesures antidiscriminatoires sont mises en place pour protéger la communauté, bien que l’homosexualité soit légale depuis 1997.
Le contrôle numérique
Dans le cadre de la promotion du taux de natalité et des rencontres, des mesures sont prises par le gouvernement pour promouvoir les rencontres. Parmi ces mesures figurent l’organisation d’évènements pour provoquer des rencontres ou encore l’instauration de politiques profertilité facilitant les naissances.
Dans ces mesures figure également l’application de rencontre Palm Guixi qui a été lancée dans la ville de Guixi par le gouvernement chinois et vise à créer des « matchs » grâce aux données numériques récoltées sur les habitants et les habitantes. Ariane Ollier-Malaterre, professeure à l’UQAM spécialisée dans la surveillance en Chine, explique que le contrôle et la surveillance numérique ne représentent rien de nouveau pour la population chinoise.
De nombreuses applications de rencontre et réseaux sociaux sont déjà bannis, mais plusieurs Chinois et Chinoises continuent de les utiliser grâce à des réseaux privés virtuels (VPN). Selon Ariane Ollier-Malaterre, l’activité en ligne d’un individu comporte toujours des risques. « Sur une application de rencontres, on peut en révéler beaucoup sur soi et ces informations peuvent être stockées et utilisées contre nous », explique-t-elle.
« L’accumulation de petits faux pas sur les plateformes numériques viennent créer un profil, ajoute-t-elle. Selon les informations qui sont partagées, le profil peut être considéré comme briseur de confiance, “trust breaking”, donc un profil qui va à l’encontre des lois et des règlements. »
Ces « faux-pas » peuvent être lourds de conséquences pour les Chinois et les Chinoises, qui vivent dans un système de crédit social. Le jugement social qui se crée par ce contexte l’est tout autant, et encore plus pour la communauté LGBTQ+ : « La culture chinoise est beaucoup comme un troupeau de moutons : tout le monde fait une chose, donc tu dois le faire aussi, explique M. Phang. […] Tu ne veux pas être celui qui est différent, et tu ne vas pas célébrer cette différence. »
Il ajoute que « par rapport à la protection aux hauts niveaux de gestion et dans les politiques gouvernementales, l’identité LGBTQ+ n’est pas illégale, mais elle n’est pas légale non plus. Donc où nous retrouvons-nous? C’est repoussé aux familles et aux communautés de choisir comment ils acceptent la communauté. »
Des implications plus larges pour la communauté LGBTQ+
Les restrictions envers les applications de rencontres LGBTQ+ s’inscrivent dans une vague de répression des mouvements et de la mobilisation de la communauté. En 2020, ShanghaiPRIDE a été contraint d'annuler ses activités à cause de la pandémie.
Bien que l'événement ait été annulé pour des raisons sanitaires, Raymond Phang relate avoir observé un contrôle accru et davantage de questions de la part des autorités concernant l'événement. « C’est un signe que de plus en plus d’organisations seront victimes de restrictions », explique-t-il. En mai 2023, le Beijing LGBT Center a fermé, tout comme le LGBT Rights Advocacy in China en 2021.
Plusieurs organisations LGBTQ+ étudiantes ont également cessé leurs activités. « C’est triste à dire, mais en tant qu’organisateurs communautaires, on le voit venir, mentionne Raymond Phang. Il s'agit plutôt de savoir comment nous allons nous orienter tout en continuant à soutenir la communauté. Il y a assurément un besoin et il y a des choses qu’on peut faire, sauf que l’espace est de plus en plus limité. »
Le contrôle gouvernemental a des impacts sur les comportements de la population, d’après Mme Ollier-Malaterre, qu’elle qualifie d’obéissance par anticipation. : « L’obéissance par anticipation, c’est l’autocensure en anticipation d’un problème. L’individu va modifier son comportement pour se protéger. C’est un comportement adopté de manière conforme avec ce qui est attendu », explique-t-elle.
En 2023, les mesures de confinement se sont allégées en Chine. Pourtant, ShanghaiPRIDE n’a toujours pas repris ses activités en présentiel en Chine.
Illustration : Alex Rioux