En Biélorussie, alors que les antagonistes du gouvernement d'Alexandre Loukachenko subissent de nombreuses répressions de la part de son régime politique, très peu de moyens sont disponibles pour aider les athlètes exilés. Ces sportifs et sportives se retrouvent ainsi sans soutien financier de la part du pays.
À l’image de plusieurs groupes militants, des athlètes biélorusses revendiquent la démission du président, à la tête du pays depuis 1994. Les opposants et opposantes de Loukachenko peuvent se heurter à l’emprisonnement, l’exil ou la mort.
« Une vingtaine d’athlètes biélorusses ont été condamnés à des sentences de prison à cause de leurs actions durant les manifestations de 2020 », affirme le directeur de la Fondation pour la solidarité sportive biélorusse (BSSF), Aleksandr Opeykin. C’est le cas de la basketteuse Yelena Leuchanka, qui a passé 15 jours derrière les barreaux juste avant son départ pour une compétition en Grèce. Krystsina Tsimanouskaya, athlète olympique à Tokyo en 2021, s’est quant à elle exilée en Pologne après avoir signé une pétition contre son gouvernement en août 2020.
« Au total, plus de 200 athlètes, notamment des olympiens et des champions européens, ont protesté contre le gouvernement d’Alexandre Loukachenko » -Aleksandr Opeykin
Des athlètes en péril
Lors de ce même mois, plusieurs personnes issues du milieu sportif ont créé la BSSF, une fondation qui vient en aide financièrement aux athlètes biélorusses opprimés par le gouvernement en place. Punis pour leurs opinions politiques, des sportifs et sportives forcées de poursuivre leur carrière dans d’autres pays ont la fondation pour seul appui. Le porte-parole explique que la fondation a le soutien de citoyens et citoyennes, d’entreprises biélorusses et de certains pays.
M. Opeykin explique que la BSSF est financée à 80 % grâce à des dons d’entreprises ou de ventes aux enchères organisées par des athlètes qui veulent soutenir cette cause. « Elle a été créée spécifiquement pour aider les athlètes qui vivent des situations difficiles », souligne-t-il.
Le directeur de la fondation souligne que, durant ce même été, à la suite des dernières élections controversées, les athlètes qui sont membres de la BSSF ont manifesté pacifiquement à Minsk, la capitale de la Biélorussie, pour réclamer la démission du président. « Au total, plus de 200 athlètes, notamment des olympiens et des champions européens, ont protesté contre le gouvernement d’Alexandre Loukachenko », précise-t-il. Il affirme qu’il s’agit d’un moment historique non seulement pour la Biélorussie, mais pour le monde entier, parce que les athlètes n'ont jamais été aussi nombreux à manifester contre la dictature.
Des revendications pour les athlètes
La BSSF revendique plusieurs changements. L’organisme souhaite notamment condamner les responsables des crimes envers les athlètes exilés. Il demande aussi une procédure d’investigation sur la violation des droits humains de la part des forces de sécurité biélorusses et exige la démission des directeurs de ces forces qui ont ordonné les violences perpétrées envers les athlètes. Pour condamner impartialement les personnes à l’origine de ces crimes, la BSSF souhaiterait qu’elles soient soumises à un procès devant une cour de justice indépendante du gouvernement. La liste des revendications, disponible sur leur site, se conclut avec la demande de la libération des athlètes incarcérés par le gouvernement en raison de leurs opinions politiques.
La BSSF détaille sur son site internet la procédure que doit suivre un athlète pour obtenir de l’aide : la personne concernée doit remplir un document dans lequel elle décrit sa délicate situation et les responsables de la fondation seront ensuite en mesure de la contacter pour lui apporter une aide efficace.
Un pays qui rêve de changement
Selon Alexandra Goujon, politologue, professeure et chercheuse à l’Université de Bourgogne en France, les importantes mobilisations des athlètes prouvent que la population biélorusse est prête pour un nouveau gouvernement démocratique. Elle ajoute que les manifestations de plusieurs groupes d’opposants et d’opposantes, comme les sportifs et les sportives, ont provoqué un effet considérable, au point que le gouvernement ait interdit les manifestations à Minsk. Le spécialiste en politique et histoire ukrainienne à l’Université d’Ottawa, Ivan Katchanovski, explique que le président exerce un pouvoir autoritaire où l’opposition est très peu permise. « Loukachenko a le contrôle du gouvernement, des médias et de la sécurité », affirme-t-il.
D’après Mme Goujon, il est très difficile de savoir combien de temps la situation des athlètes exilés pourrait durer sous ce gouvernement autoritaire, car Loukachenko fait tout pour se maintenir au pouvoir en interdisant toute forme de contestation. « Le régime est beaucoup plus préoccupé par sa survie que par son image internationale », confirme la politologue.
Photo: Victoria Boisclair