Pour refroidir les réacteurs d’Astraviets, qui nécessitent un approvisionnement électrique continuel, l’eau de la rivière Néris, située à plusieurs kilomètres de la centrale, est pompée en continu, selon un rapport de la Commission européenne des affaires sociales, de la santé et du développement durable.
Cette technique de refroidissement des réacteurs est la même ayant été en cause dans l’accident nucléaire de Fukushima où l’interruption du courant électrique provoquée par un séisme avait mené à une surchauffe des réacteurs nucléaires alors que le refroidissement ne pouvait plus se faire.
La centrale d’Astraviets est, comme l’installation japonaise, située sur une zone sismique. Depuis 1887, cinq séismes majeurs allant de 5 à 7 sur l’échelle de Richter ont été recensés dans la région, le plus récent datant de 1987.
Michael Tansey, conseiller en communication de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), soutient cependant que « lorsqu’elles sont conçues, construites et exploitées correctement, les centrales nucléaires ont la capacité de résister aux séismes sans conséquences majeures ».
Des problèmes diversifiés
Le bassin de la rivière Néris couvre 72% du territoire lituanien. Elle alimente les deux villes les plus peuplées du pays. Dans le cas d’un accident nucléaire, de 57 à 95% de l’eau potable de cette ville ne pourrait plus être consommée, selon un rapport de l’Institut pour l’énergie et les transports de la Commission européenne.
Charlotte Mijeon, chargée des communications du réseau indépendant Sortir du nucléaire, indique que « même en l'absence de fuite, [...] les installations nucléaires sont autorisées à rejeter des radionucléides artificiels [substances qui libèrent des radiations] dans les cours d'eau. » Selon elle, ces éléments forment « un cocktail de substances nuisibles. » M. Tansey affirme toutefois que dans ce contexte, « aucun impact n’est attendu sur la santé en raison de la consommation de l’eau. »
Située à 16 kilomètres de la frontière avec la Lituanie et à 45 kilomètres de sa capitale Vilnius, la centrale développée par l’entreprise russe Rosatom, impliquée dans l’accident de Tchernobyl, ne respecte pas la recommandation de l’Agence internationale de l’énergie atomique voulant qu’aucune centrale ne soit construite à moins de 100 kilomètres d’un centre urbain. D’après Mme Mijeon, cette recommandation s’explique par « le risque que peut représenter la proximité d'une grande agglomération, qui aggrave les conséquences en cas d'accident et complique l'évacuation. »
« Nous ne savons pas exactement ce qui arrive, qu’est-ce qu’ils réparent, comment cela a été fait, il n’y a pas de transparence […] c’est pour cela que nous sommes inquiets sur les possibilités d’accidents », explique également Mme Sukhy. Elle continue en rappelant que « la Biélorussie a été un des pays les plus touchés par [l’accident de] Tchernobyl.»
Manque de transparence
Plusieurs accidents auraient eu lieu pendant la construction de la centrale, dont quatre en 2016, selon la Commission européenne des affaires sociales, de la santé et du développement durable. Le plus important serait la chute de quatre mètres d’une pièce de réacteur de 330 tonnes sur le site de construction. Selon Irina Sukhy, membre fondatrice de l’organisation écologiste Ecohome, chaque accident aurait été gardé secret par Rosatom et le gouvernement biélorusse. Des informations ont fuité des semaines plus tard. Le gouvernement biélorusse a nié les accusations.
Le premier réacteur de la centrale a aussi eu des problèmes, ses fonctions s’étant arrêtées à plusieurs reprises pour des raisons floues : « Nous ne savons pas exactement ce qui arrive, qu’est-ce qu’ils réparent, comment cela a été fait, il n’y a pas de transparence […] c’est pour cela que nous sommes inquiets sur les possibilités d’accidents », explique également Mme Sukhy. Elle continue en rappelant que « la Biélorussie a été un des pays les plus touchés par [l’accident de] Tchernobyl.»
Un risque inutile
La fondatrice d’Ecohome questionne d’ailleurs l’utilité de la centrale. Selon elle, le pays aurait déjà « assez d’électricité pour [ses] propres besoins ». La centrale ne servirait qu’à produire de l’électricité afin de la vendre dans l’Union européenne, en passant par la Lituanie. Ce plan est toutefois impossible, puisque le gouvernement lituanien s’oppose farouchement au projet et refuse d’acheter à la Biélorussie l’électricité produite par la centrale, tout comme la Lettonie.
Selon la militante Irina Sukhy, le risque est inutile. « C’est dangereux d’un point de vue environnemental, en plus d’être mauvais pour l’économie biélorusse », réitère-t-elle. Suite à l’accident de Tchernobyl, le nombre de cancers de la glande thyroïde dans les régions environnantes avait explosé, selon le site web de la CCSN. Les critiques du projet ne sont pas sans rappeler la tragédie nucléaire alors que la menace semble à nouveau planer sur la Biélorussie et ses voisins balkans.
Photo: Malika Alaoui