Depuis le début des années 2000, les « Cholitas luchadoras », des femmes d'origine autochtone en Bolivie, pratiquent la lutte pour s'émanciper, entre autres, de la violence conjugale dont elles sont victimes.
La championne du National Wrestling Alliance de 2018, la Bolivienne Elizabeth La Roba Corazones, est très fière de ce qu'elle accomplit chaque jour. Pour elle, la lutte est plus qu'un sport. C'est l'occasion de contrer les stéréotypes envers les « Cholas », femmes indigènes fréquemment victimes de racisme en Bolivie.
Elizabeth se décrit comme une personne « timide et effrayée » en parlant de sa vie avant les combats. Elle a rejoint le mouvement dans l'espoir de réaliser ses rêves. Comme elle, plusieurs femmes ont commencé à pratiquer la lutte afin de changer de vie : « Nous sommes une source d'inspiration pour toutes ces femmes calmes, refoulées et humiliées par leur mari. Quand elles nous voient nous battre, elles se rendent compte que tous les rêves sont possibles. Elles se rendent compte qu'elles peuvent briser leurs chaînes et [...] enfin être heureuses », confie la championne.
Force et courage
Benita La Intocable, lutteuse depuis 2003 et amie d'Elizabeth, décrit la lutte comme un sport qui « n'est pas seulement basé sur la force, mais aussi sur l'autodéfense, la psychologie personnelle et l'amour de soi ». Toutes deux peuvent passer des mois à s'entraîner pour combattre.
« C'est très dur de pratiquer ce sport, autant physiquement que mentalement. On ne peut jamais se plaindre de combattre quelqu'un de plus gros ou de plus fort que nous. On ne peut pas abandonner, parce que ce n'est pas pour ça que les gens paient, et ce n'est pas comme ça qu'on va monter en popularité », témoigne Elizabeth.
Les lutteuses sont payées selon leur niveau de popularité et le nombre de matchs remportés. Elizabeth, championne en titre, reçoit donc près de 55$ par représentation.
Contrer le stigmate
Les Cholas ne sont pas reconnues, à la base, comme étant de « vraies femmes », explique la docteure en histoire et professeure en études latino-américaines à CY Cergy Paris Université, Lissel Quiroz. La société voudrait que les femmes soient délicates, douces et féminines, alors que les Cholas sont beaucoup plus brusques. Les Cholitas vont donc reprendre ce terme, utilisé par les autres de façon péjorative, et se l'approprier. « Elles vont se servir du fait qu'elles soient plus rudes, plus fortes, pour faire des choses dites “plus masculines”, comme faire de la lutte, jouer au foot ou boire comme un homme », souligne la professeure.
Il existe plusieurs autres mouvements sociaux semblables à celui des Cholitas en Amérique latine. Au Pérou, par exemple, des footballeuses participent à des championnats en altitude pour montrer qu'elles sont fortes ; une forme de reprise de contrôle, selon Lissel Quiroz, qui ajoute que « pour ces femmes, c'est aussi une façon de sortir du foyer où elles se sentent parfois prisonnières ».
Crédit-photo: Marcelo Del Carpio