Little Bay Islands, un village terre-neuvien, a fermé ses portes le 1er janvier 2020, suite à une décision gouvernementale. L’exploitation du traversier, grandement subventionné par le gouvernement, ainsi que les revenus non-rentables du village, expliquent sa fermeture.
Qu'ont en commun les villages canadiens de Val-Jalbert, Saint-Cyriac, Saint-Jean-De-Brébeuf et Little Bay Islands? Ils ont tous été fermés par les gouvernements provincial et fédéral dans les dernières décennies. Or, contrairement aux autres municipalités, trop peu peuplées, Little Bay Islands a fermé ses portes le 1er janvier 2020 parce qu'il coûtait plus cher en services publiques qu'il n'en rapportait. La diminution de la population de Terre-Neuve n’était qu’en partie responsable de cette situation.
« L’Alberta est aujourd’hui la province où l’âge moyen est le moins élevé, alors que Terre-Neuve a la population la plus âgée au pays », constate le doctorant en économie Florent Pépin-Proulx. Alors que la population de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Québec se régénère naturellement, celle de Terre-Neuve diminue rapidement. Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs, tels que la baisse du taux de natalité et le manque d'opportunités économiques. Autrefois, des industries manufacturières permettaient d’assurer la survie des régions, mais le made in China et l’automatisation des industries auront causé la perte d’emploi de ces ouvriers. « On peut vouloir continuer à occuper ces territoires pour des raisons autres qu’économiques; c’est aux politiciens de faire ce genre d’arbitrage », explique M. Pépin-Proulx. En réponse, la ministre déléguée au Développement économique régional, Marie-Ève Proulx, donne l’exemple des Îles-de-la-Madeleine : « Faire vivre un milieu insulaire comme les Îles-de-la-Madeleine pourrait avoir l'air plus d'une dépense que d'un investissement, mais pour nous, au Québec, c'est vu comme un investissement. »
Un phénomène généralisé
Cette décroissance n'est pourtant pas propre à Terre-Neuve. Démographe et directeur des statistiques sociodémographiques de l'Institut de la statistique du Québec, Frédéric Fleury-Payeur cite en exemple la municipalité régionale de comté (MRC) du Golfe-du-Saint-Laurent de la Côte-Nord. Selon les prévisions, « [elle] pourrait perdre 23,6% de sa population entre 2016 et 2041 (...), [dont] 41,7% de ses habitants en âge de travailler (20-64 ans). L'âge moyen serait alors de 50,1 ans dans cette région en 2041, contre 42,2 ans en 2016. Les 65 ans et plus représenteraient 36,7% de la population, contre seulement 17,6% en 2016. »
Une autre raison explique cet exode rural : la hausse de l’espérance de vie et la baisse du taux de natalité. « Il y aura bientôt plus de retraités que de personnes actives au Canada, ce qui ne peut pas être freiné par une augmentation de l’immigration au pays. Concrètement, cela signifie que chaque contribuable devra supporter un fardeau fiscal qui ira en s’accroissant, et ce, d’autant plus que le vieillissement de la population s’accompagnera d’une hausse des dépenses en santé », explique M. Pépin-Proulx.
Cette décroissance démographique a des impacts sur les finances publiques du gouvernement, mais négligeables, selon la ministre déléguée au Développement économique régional. « Notre perspective [au gouvernement] n'est pas d'évaluer l'impact sur les finances publiques, mais bien de voir l'occupation du territoire. Ce qui est important, c'est de s'assurer qu'on occupe notre territoire au Québec, qu'on ne laisse pas des grands pans de terre inoccupés pour être sûrs que le Québec reste le Québec. »
Le démographe Frédéric Fleury-Payeur cherche toutefois à tempérer la situation. « Si la Côte-Nord perdait jusqu'à 7% de ses jeunes de 20-24 ans à chaque année, au début des années 2000, ils n'en ont perdu que 3% au cours des deux dernières années. Elle a connu des années où ses pertes nettes étaient nulles à cet âge (de 2010 à 2012), mais elles ont augmenté depuis », explique-t-il. « On a des projets d'investissement dans des [municipalités régionales de comté] qui sont de petits villages côtiers. On veut travailler avec eux, parce qu’eux ne veulent pas mourir », conclut la ministre Proulx.
Photo par Florent Maiorana