Alèthe Kaboré est originaire du Burkina Faso et a déménagé à Edmonton, en Alberta, il y a 10 ans. Après quelques années au Canada, elle a commencé à s’ennuyer des vêtements de son pays d’origine. Elle a donc commencé à en coudre, et de fil en aiguille, s’est fabriqué une réputation de designer… Aujourd’hui, elle possède la compagnie de vêtements KYN Apparel.
C’est à travers ses créations qu’Alèthe Kaboré marie les styles burkinabés et canadien. La jeune femme, qui considère appartenir aux deux nations, s’est adaptée à son pays d’accueil et l’apprécie tout en se rappelant d’où elle vient.
« Quand je portais une tenue comme je porte au Burkina Faso, je ressortais du lot », raconte Mme Kaboré. Elle se faisait régulièrement demander « est-ce que tu vas à une fête? » Lassée de devoir s’expliquer sur son habillement, l’Edmontonienne a décidé de porter des vêtements qui faisaient davantage « canadien ». Rapidement, les couleurs des vêtements burkinabés lui ont manqué; c’est pourquoi l’idée de créer des vêtements qui allient les couleurs et tissus africains et ceux du Canada lui est venue.
Ses vêtements représentent cette identité à la carte qu’elle s’est créée en venant vivre au Canada: « J'ai ma culture du Burkina Faso, mais j'ai aussi ma culture canadienne ici que j'ai acquise et donc ça fait un mix », souligne Mme Kaboré. La designer travaille avec un tissu nommé wax, ce qui signifie « tissu à motif », qui est porté au Burkina Faso. Elle mélange donc ce matériel, la laine et d’autres tissus canadiens qui sont plus chauds, puisque le pagne n’est pas adapté aux rigoureux hivers canadiens. Le vêtement est loin d’être anodin. Cette créatrice de mode mentionne que les Burkinabés aiment bien s’habiller pour des raisons culturelles. Dès leur jeune âge, on leur apprend l’importance d’une tenue soignée.
Plusieurs de ses tissus sont fabriqués en Indonésie puisque, lors de la colonisation du Burkina Faso, ce sont les Hollandais qui ont importé ces tissus à motifs dans le but d’en faire commerce. Désormais, le Faso Dan Fani est le textile traditionnel tissé au Burkina Faso.
« J'ai grandi avec ces tissus. Alors, quand je m’habille là-dedans, c'est comme une continuation et une célébration aussi en même temps. » - Alèthe Kaboré
Les couleurs, c’est bon pour le moral
La jeune designer raconte en entrevue aimer que ses vêtements soient colorés. Elle remarque que les habits canadiens sont trop souvent dans des teintes unies; c’est pourquoi elle tente de retrouver ces couleurs vives qui la rendent joyeuse.
Korotimi Dao, également créatrice de vêtement, établie à Ouagadougou, abonde en ce sens et affirme que les couleurs, au Burkina Faso, sont une façon de garder le moral et de rester positif et positive à travers les épreuves difficiles. « La femme noire, quand elle porte beaucoup de couleurs […] elle devient un bouquet de fleurs. Il y a le vase qui est sa peau et [ses vêtements] sont comme les fleurs. Ça fait gai », affirme Korotimi Dao. La métaphore ne pourrait être plus juste, considérant que Mme Kaboré s’inspire de la nature dans ses créations.
Un nom de pays chargé d’identité
Avant 1984, le Burkina Faso avait pour nom la République de Haute-Volta, héritage de la colonisation française. Toutefois, avec l’indépendance du pays, les habitants et les habitantes ont été invitées à lui trouver un nouveau nom. La spécialiste en psychopédagogie Afsata Paré-Kaboré soutient qu’on « dit souvent que, le propre des Burkinabés, c’est de tenir à leurs identité d’origine », avant de poursuivre en soulignant que le nom du pays représente une composante importante de cette identité: Burkina signifie « hommes intègres » en Moré et Faso, « pays » en Dioula, deux langues parlées dans cet État de l’ouest de l’Afrique. De plus, le gentilé des habitants et des habitantes ajoute à ce sentiment d’appartenance. En effet, en ajoutant le « bé » à la fin de « Burkina », ce qui signifie « habitant », le Burkina Faso devient le pays des « hommes intègres ». Selon elle, cette fierté fait en sorte que les gens n’oublient pas d’où ils viennent. « J'ai grandi avec ces tissus. Alors, quand je m’habille là-dedans, c'est comme une continuation et une célébration aussi en même temps », exprime fièrement la créatrice.
Alèthe Kaboré invite les gens à porter des vêtements qui comportent des motifs africains. Elle encourage ce partage des cultures. « Si vous voyez un vêtement aux couleurs africaines qui vous plaît, n'hésitez pas, portez-le. C'est une célébration, ce n'est pas une appropriation culturelle », affirme-t-elle.
Photo : Smiley Eyes Photography