La Cour Suprême de la Colombie-Britannique accordait, en 2019, une injonction à Coastal GasLink pour que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) puisse mettre fin aux manifestations des contestataires du projet de construction du gazoduc. Plus de trois ans plus tard, aucun terrain d’entente entre le gouvernement et la communauté Wet’suwet’en ne fait l’unanimité. Témoignages de ceux et celles qui en sont touchées.
Le projet Coastal GasLink, qui passe par le territoire ancestral de Wet’suwet’en, est toujours en phase de construction. Les moyens de pression continuent et la position du gouvernement n’a pas changé.
Selon le professeur agrégé au département de science politique à l’Université de Montréal Martin Papillon, la visibilité de l’enjeu a permis de sensibiliser la population sur le conflit. « Ce conflit-là, on le comprend un peu mieux, donc on est capable de nuancer pour le mieux », souligne-t-il.
La porte-parole du point de contrôle Gidimt’en sur le territoire Wet’suwet’en, Molly Wickham, croit cependant que les grands médias se soucient de la situation seulement lorsqu’il y a de la violence, expliquant ainsi la baisse d’attention portée à l’endroit de l’enjeu. Celle qu’on surnomme Sleydo’ aimerait avoir plus de visibilité et reproche aux médias d’être biaisés en faveur du gouvernement. « Ce n’est pas seulement un groupe de voyous autochtones qui s’opposent au projet, mais bien tout le système de gouvernance traditionnel », explique-t-elle.
« Si le pipeline est terminé, il va dévaster notre capacité à pratiquer notre culture sur nos terres » — Sleydo’, porte-parole du point de contrôle Gidimt’en
Communauté divisée et affectée
M. Papillon rappelle que le conseil de bande ─ instauré par le gouvernement fédéral ─ a donné son accord au gazoduc, tandis que les chefs traditionnels et des gens de la communauté s’y opposent. « J’ai vu un membre de la communauté parler de ces politiques lors de funérailles. J’ai aussi reçu des commentaires négatifs en raison de mon indifférence politique concernant le gazoduc », note la coordonnatrice de la résilience à la Witsuwit'en Language & Culture Society Helen Harris. Elle déplore d’ailleurs la fracture qu’a créé le projet au sein de la communauté et constate une augmentation de la violence depuis son début.
Sleydo’ ne compte pas baisser les bras. « Nous devons continuer à faire pression sur eux pour les empêcher de détruire notre eau potable », exprime-t-elle. Le gouvernement veut forer en dessous de leur principale source d’eau, la rivière Wedzin Kwa, d’ici deux mois. « Ma famille vit là-bas et elle boit cette eau tous les jours », clame-t-elle.
La pêche au saumon de cette rivière sera aussi affectée, comme l’a déjà été la chasse dans la région depuis le début de la construction. « Si le pipeline est terminé, il va dévaster notre capacité à pratiquer notre culture sur nos terres. Nous sommes l’un des derniers endroits au Canada où nous avons la capacité de sortir sur notre territoire et de vivre de celui-ci », se désole Sleydo’.
Photo : Malika Alaoui