Alors que l’industrie minière et ses répercussions sur les glaciers menacent les réserves en eau potable du Chili, les spécialistes préviennent qu’une réglementation de ses activités pourrait mener à de lourdes conséquences sur l’économie nationale.
Abritant 82 % des glaciers sud-américains, le Chili dénombre plus de 24 000 glaciers sur son territoire. Or, ce pays d’Amérique du Sud possède aussi une industrie minière très prospère, produisant du cuivre, du lithium et de nombreux autres minéraux.
Il y a une quinzaine d’années, certains experts et expertes ont commencé à craindre que les pratiques de cette industrie, qui représentent actuellement 15 % du PIB chilien, puissent mettre en danger les glaciers. Depuis maintenant dix ans, le gouvernement chilien tente de trouver un équilibre entre la préservation d’un écosystème fragile et l’évolution d’un des secteurs économiques les plus importants au pays.
Une ressource à ne pas négliger
Selon Estefanía González, coordonnatrice des campagnes menées par Greenpeace Chili, les glaciers se trouvant au nord du pays, où prennent place de nombreux projets miniers, ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. Elle explique que ces glaciers contiennent généralement des minéraux convoités par l’industrie minière, ce qui les rend plus susceptibles de faire l’objet de projets miniers.
Selon la coordinatrice, l’industrie minière peut affecter les glaciers de plusieurs façons. Parfois, les projets miniers vont procéder à leur perforation ou à leur explosion pour accéder aux minéraux. D’autres fois, ce sont les particules noires s’échappant des chantiers qui se déposent sur les glaciers et accélèrent leur fonte déjà entamée par le réchauffement climatique.
Ces particules se retrouvent alors dans l’eau provenant de la fonte de ces glaciers et se rendent dans les plus grandes artères chiliennes, « dont la rivière Maipo, […] d’où toute l’eau de Santiago provient », relève Mme González. Celle-ci précise que, lors des saisons où il n’y a pas beaucoup de pluie ou de neige, une grande part de l’eau de la rivière découle des glaciers.
« Une autre conséquence de la disparition des glaciers est la perte de paysages pittoresques qui sont à l’origine de nombreuses significations et traditions culturelles pour les Premières Nations et la population d’aujourd’hui », renchérit Alfonso Fernández, géographe chilien spécialisé en changements hydroclimatiques, en environnements montagneux et en glaciers.
Une industrie qui s’adapte
« Les compagnies minières ont maintenant beaucoup d’inquiétudes au sujet des glaciers. Elles traitent ces derniers de manière très différente d’il y a quelques décennies », rappelle Gustavo Lagos, professeur en ingénierie minière et en économie des minéraux à l’université pontificale catholique du Chili. Il affirme aussi que de nombreuses précautions sont prises par les différents projets miniers pour protéger les glaciers.
Selon M. Lagos, il est tout à fait possible de maintenir en marche la majorité des projets miniers en créant des infrastructures et en investissant dans des mesures de préservation des glaciers. « Dans 30 ans, il n'y aura plus de glaciers dans les régions importantes du Chili, avec ou sans activité minière. Les glaciers fondent, et ça, c’est le réchauffement climatique, ça n’a rien à voir avec les mines », souligne-t-il.
Un changement s’impose
L'adoption d'une loi permettant la protection des glaciers contre la menace des activités minières est envisagée depuis de nombreuses années. Une telle loi est essentielle à la préservation des glaciers, selon Mme González et M. Fernández.
D’un autre côté, si le projet de loi actuellement considéré par le gouvernement chilien voyait le jour et imposait des restrictions aux activités minières, les pertes économiques pourraient être considérables. « Quatre des plus grandes opérations minières chiliennes seraient affectées, ce qui signifie qu’environ 1,5 million de tonnes de cuivre sur 6 millions de tonnes seraient affectées », explique M. Lagos. Selon lui, l’industrie minière produit une grande quantité d’emplois directs comme indirects et constitue plus de la moitié des exportations du pays.
M. Fernández ne partage pas tout à fait cette vision. « Les glaciers doivent être protégés par la loi. […] Selon moi, nous sommes sur le bon chemin », se réjouit-il. Mme González, quant à elle, atteste qu’aucune activité minière ne devrait être tolérée si elle affecte les glaciers d’une quelconque manière.
Photo: Victoria Boisclair