En 2020, le gouvernement australien a renouvelé le plan « Combler l’écart », mis en place en 2010, dans le but d’offrir de meilleures conditions de vie aux autochtones. Toutefois, ce plan est aujourd’hui critiqué de toutes parts et les centres de détentions accueillent un nombre toujours plus grand d’Aborigènes.
La communauté autochtone d’Australie, composée des Aborigènes et des indigènes du détroit de Torres, constitue 3% de la population australienne, mais elle représente 29% des prisonniers. La surreprésentation des autochtones en milieu carcéral est endémique.
Selon Joshua Creamer, avocat Waanyi et Kalkadoon, spécialiste des droits de la personne et des recours collectifs, les crimes ont diminué en Australie depuis les années 80, mais les incarcérations en général continuent d’augmenter. Selon une récente étude menée par le Bugmy Bar Book, un projet mis en place pour aider les avocats et les juristes, en 2000, le taux d’emprisonnement pour les autochtones était 7,6 fois plus élevé que pour les non-autochtones. En 2021, ce taux avait presque doublé.
Une réponse policière plus stricte, ainsi que l’instauration de peines minimales pour certains crimes dans quelques États australiens, expliqueraient cette augmentation, d’après Joshua Creamer. « [Un enfant] a volé une miche de pain et a été incarcéré pour ça », déplore-t-il.
En Australie, il est possible d’emprisonner les enfants à partir de 10 ans. « Il y a quelques semaines, il y avait 288 enfants dans les centres de détention juvénile. […] 255 d’entre eux étaient détenus en garde à vue alors que seulement 34 d’entre eux avaient été condamnés […] et 64% étaient autochtones », se désole Joshua Creamer.
De récents changements dans les lois du Queensland, un État en Australie, ont compliqué la libération sous caution - soit la libération d’une personne accusée en attente de son procès - ce qui a augmenté le nombre de détenu.es.
Un plan critiqué
Un accord national entre le gouvernement et la Coalition of Peaks, un regroupement de plus de 80 organismes autochtones, a donné naissance au renouvellement de « Combler l’écart » en 2020. Le plan vise une amélioration des conditions socio-économiques des Aborigènes, notamment une réduction d’au moins 15% des incarcérations d’adultes autochtones en 2031. « Combler l’écart » se penche, entre autres, sur les services offerts en garde à vue et en prison pour les Aborigènes, ainsi que les formations culturelles offertes pour la police et le personnel pénitentiaire.
Cela dit, le plan ne fait pas l’unanimité. « C’est une politique qui n’est plus du tout d’actualité », commente Barbara Glowczewski, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Faisant référence à l’ethnocide et la ségrégation des populations autochtones, notamment la déportation dans des réserves et l’enlèvement d’enfants durant le 20e siècle, Joshua Creamer abonde dans ce sens : « Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont les conséquences directes des législations qui étaient en place auparavant. […] Nous avons créé un environnement où il est facile d’emprisonner les personnes autochtones. À mon avis, “Combler l’écart” est une continuation de cette période ».
Barbara Glowczewski estime qu’il y a un décalage entre ce que proposent les Aborigènes et les actions du gouvernement, « qui ne répondent pas à ce que les [Aborigènes] demandent ».
Photo: Lucas Jallot