Économie ultra-privatisée, immigration croissante, manque d'infrastructures sociales : l’accès au logement est difficile au Chili. La situation se dégrade continuellement depuis le séisme de 2010 et plusieurs personnes se retrouvent sans domicile fixe.
En 2021, plusieurs Chiliens et Chiliennes se retrouvaient sans-abri ou mal logées. Plus de 81 000 familles vivaient d’ailleurs dans les campements, en périphérie des grandes villes comme Santiago et Valparaíso, dans des tentes ou dans des abris de tôle.
Francisco Javier Román Verdugo est le directeur exécutif de la fondation Gente de la Calle, qui vient en aide aux individus sans domicile et qui lutte pour leurs droits.
« Ces personnes composent avec des problèmes de santé mentale et physique, des emplois dangereux et une situation sanitaire précaire », explique-t-il. Il ajoute que même le « strict minimum », comme les services de santé, d’éducation et d’alimentation, leur est difficilement accessible.
D’ailleurs, une large proportion des personnes sans-abris ou mal logées sont des migrants en situation précaire qui proviennent des pays voisins, comme le Vénézuela ou le Pérou, explique M. Verdugo. Selon lui, ils rejoignent le Chili en quête d’une vie meilleure, mais, à leur arrivée, l’absence d’infrastructure d'accueil et l’inaccessibilité généralisée à de bonnes conditions de vie les mènent aux multiples campements, où leur rêve chilien s’éteint.
Une aide limitée
« Beaucoup de gens survivent grâce aux services que fournit l’Église. Elle leur procure des vêtements, de la nourriture et un endroit où se laver », souligne M. Román Verdugo. Les organismes de charité tentent aussi d’assurer un soutien. Les ressources sont cependant trop limitées pour soutenir les nombreuses personnes dans le besoin.
La plupart des Chiliennes et Chiliens mal-logés reçoivent une subvention d’aide au logement et ont un petit emploi, mais ils et elles demeurent incapables de trouver une résidence convenable, explique le directeur exécutif de Gente de la Calle. « Tout est privé dans notre pays et les mesures adoptées par le gouvernement sont minimes », critique-t-il.
La libre entreprise avant les droits
Le Chili possède l’une des économies les plus privatisées d’Amérique latine. Ce système limite considérablement l’accès au logement et l’adoption de mesures de soutien.
Un rapport sur le logement convenable au Chili a été déposé à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies en 2018. Il mettait en lumière, dans la constitution actuelle, les traces encore visibles que le régime dictatorial de l’ancien président du pays, Augusto Pinochet, avait laissées entre 1974 et 1990.
Ricardo Peñafiel, professeur et chercheur spécialisé en politique latino-américaine à l’Université du Québec À Montréal (UQAM), explique que, dans la constitution de Pinochet, le droit à la propriété prédominait sur tous les droits sociaux. « Suite à la chute de la dictature, les politiques censées rétablir les droits sociaux qui avaient été bafoués n’ont fait que perpétuer le même modèle néolibéral et anti droits sociaux », note-t-il.
En campagne électorale, le nouveau président Gabriel Boric, élu en décembre dernier, a proposé un plan d’urgence axé sur le logement pour garantir l’accès aux services de base aux résidentes et résidents des campements. Cette élection s’inscrit dans l’important virage à gauche que vit présentement l’Amérique latine et peut contribuer à redonner un peu d’optimisme aux nombreuses Chiliennes et Chiliens dans le besoin.
Photo : Magali Brosseau