Connue sous le terme chinois Hallyu, la « vague coréenne » désigne l’intérêt global grandissant pour les exportations culturelles de la Corée du Sud, comme la musique, mais aussi les films, la nourriture et les cosmétiques. Après un financement gouvernemental massif du secteur culturel vers la fin des années 1990, le pays compte désormais parmi les plus gros joueurs de l’industrie du divertissement.
La Corée du Sud a longtemps banni la culture japonaise et chinoise, qui avaient mainmise sur l’industrie. En luttant contre l’hégémonie culturelle des deux pays, elle a négligé le rayonnement de sa culture.
Dans les trente dernières années, le gouvernement a toutefois su user de stratégies économiques et politiques pour accroître son soft power aux quatre coins du globe : en 2019, la valeur de ses exportations de produits culturels a atteint près de 12 milliards de dollars américains.
« L’industrie du divertissement de la Corée est l’une des plus efficaces au monde, et les réseaux sociaux n’ont fait qu’accentuer cette force. Aujourd’hui, les fans peuvent se retrouver dans des communautés en ligne et ainsi renforcer leur appartenance et leur fascination pour cette culture, en particulier pour la K-pop », explique le chercheur à la Chaire en études américaines à l’université de Ratisbonne, en Allemagne, Manuel Grüll.
La K-pop, une usine à stars
Court pour Korean pop (pop coréenne), la K-pop représente une industrie dont la valeur est actuellement estimée à 5 milliards de dollars américains. Bien plus qu’un simple genre de musique, elle représente une véritable usine à stars. Les artistes – communément appelés « idoles » – sont entraînés dès leur jeune âge pour développer les compétences nécessaires.
« L’engouement mondial pour la K-pop a mené à la création de nouveaux types d'écoles pour produire des idoles; des enfants et des adolescents y apprennent à chanter, à danser et à se préparer aux auditions, dans l'espoir de devenir une idole », explique le chercheur en affaires étrangères à l’université George-Mason en Virginie Alberto Chavez.
« Le fait d’être constamment sous la lumière des projecteurs peut être extrêmement éprouvant pour les idoles, et certaines en paient le prix avec leur vie » ㅡ Alberto Chavez, chercheur en affaires étrangères
Les revers délétères de l’industrie
Certes, le développement exponentiel de l’industrie de la K-pop amène un capital majeur à la Corée du Sud : en 2020, la chanson Dynamite du boyband BTS avait rapporté 1,4 milliards de dollars américains à l’économie sud-coréenne et avait créé à elle seule 8000 nouveaux emplois.
Néanmoins, plusieurs témoignages d’idoles ont fait surface dans les dernières années, dénonçant des traitements et des conditions de vie s’apparentant à de l’exploitation. « L’entraînement que les futures idoles doivent traverser est brutal. Leur vie entière est contrôlée par leur agence : elles doivent suivre une diète stricte, sont séparées de leur entourage et n’ont pas le droit d’avoir des relations amoureuses pour ne pas risquer d’entacher leur réputation », raconte Manuel Grüll.
Dans un pays où le taux de suicide est parmi les plus élevés au monde, l’envers de l’industrie est un reflet des problèmes systémiques de pression à la performance, croit Alberto Chavez. « Le fait d’être constamment sous la lumière des projecteurs peut être extrêmement éprouvant pour les idoles, et certaines en paient le prix avec leur vie », renchérit-il. C’est le cas notamment de Jonghyun, ancien membre du groupe SHINee, qui s’est enlevé la vie en 2017, laissant derrière lui une note témoignant de nombreuses années de pression et de désespoir. « Cette industrie malsaine, voire dangereuse, doit être revue », conclut Manuel Grüll.
Photo : Victoria Boisclair