Le gouverneur républicain de l’État de la Floride, Ron DeSantis, a signé le 28 mars dernier le Parental Rights in Education Bill, qui vise à renforcer les droits fondamentaux des parents à prendre des décisions concernant l’éducation de leurs enfants.
L’enseignement à propos de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre sera interdit pour le groupe d’âge visé, soit de 5 à 8 ans. De plus, des poursuites judiciaires pourraient être intentées par les parents contre des membres de l’école qui transgressent les limites de ce projet de loi.
Lourdement critiqué, le projet de loi « House Bill 1557 » a été rebaptisé le Don’t Say Gay Bill par ses opposants et ses opposantes, qui le qualifient d’homophobe. Selon le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, il est primordial de redonner du pouvoir aux parents quant à l’éducation de leurs enfants.
Le gouverneur estime que les parents floridiens refusent que leurs enfants remettent leur identité ou leur orientation sexuelle en question suite à ce qu’ils ont vu, ou entendu, dans leur milieu scolaire. M. DeSantis qualifie « d’inappropriées » certaines affiches éducatives présentes dans des écoles où l’on peut voir des enfants, notamment transgenres.
Alo Devine, membre du Lavender Council, un service d’aide à la communauté LGBTQ+ de l’université de Floride centrale, estime que les conséquences de ce projet de loi sur les enfants pourraient être importantes. « En tant que personne non binaire, je peux m’imaginer comment ces enfants se sentent et se sentiront dans le futur s’ils et elles n’ont pas de “safe space” pour parler de leur identité », explique-t-iel.
Par ailleurs, Alo Devine craint les effets néfastes de la loi sur l’épanouissement et sur la santé mentale des enfants floridiens et floridiennes. « Dès un jeune âge, les enfants ont besoin de se tourner vers quelqu’un de confiance pour parler de sujets si importants pour leur construction identitaire », ajoute-t-iel.
« Si les parents ne veulent pas que leurs enfants soient exposés à la diversité dans leurs milieux scolaires, ils n’ont qu’à leur faire l’école à la maison » — Carrie Wells, enseignante
Restreindre les interactions en milieu scolaire
Scott Galvin est le fondateur de l’organisme Safe Schools South Florida, qui offre des services de formation afin de mieux comprendre et inclure la communauté LGBTQ+ dans les écoles. Il soulève une autre conséquence à cette loi. « Les enfants ayant des parents homosexuels ne pourront pas parler de leur famille comme leurs autres camarades, affirme-t-il. Cela va injustement les exclure des conversations ».
Carrie Wells (Ph.D), qui enseigne en deuxième année du primaire, se dit être en désaccord avec l’implantation de tels règlements. « Si les parents ne veulent pas que leurs enfants soient exposés à la diversité dans leurs milieux scolaires, ils n’ont qu’à leur faire l’école à la maison », souligne-t-elle.
Elle confie que certains de ses élèves se questionnent déjà sur le projet de loi. Un·e de ses élèves est non binaire, et Mme Wells affirme que cellui-ci a expliqué à ses camarades de classe les impacts qu’auront de telles mesures sur l'ensemble de sa communauté.
À compter du 1er juillet 2022, ce genre d’action ne sera plus permise dans sa classe. La Wells affirme qu’elle devra revoir sa façon d’enseigner et d’interagir avec les enfants. M. Gavin s’en inquiète. « L’école est l’endroit où les enfants passent la plupart de leur temps. Il est fréquent qu’un enfant se sente plus à l’aise de sortir du placard avec un enseignant ou un adulte de l’école en qui il a confiance », note-elle.
Un désaccord qui se fait entendre
Des manifestations orchestrées par des gens de la communauté, ainsi que par des alliés et alliées, ont lieu en Floride, mais aussi ailleurs aux États-Unis, afin de faire renverser la décision controversée. Le président des États-Unis, Joe Biden, décrit d’ailleurs cette loi comme étant haineuse.
Or, le gouverneur DeSantis ne démord pas : « Je me fous de ce que les médias disent. [...] Je reste sur ma position et je ne reculerai devant rien », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse le 28 mars dernier.
Alo Devine craint que ce projet de loi ouvre la porte à d’autres législations similaires qui pourraient avoir un effet dévastateur, et que d’autres États prennent exemple sur la Floride : une position partagée par l’ensemble des personnes questionnées par L’Apostrophe.
Photo : Malika Alaoui