L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a annoncé que Montréal a perdu 39 500 citoyens pendant la période 2019-2020. Déménagées dans d’autres régions québécoises, ces personnes ont, par leur départ, surpassé un record qui datait de 2001-2002, période où on a commencé à compter.
Alors que la pandémie est l’une des raisons principales de la prise d’ampleur du mouvement, notamment par le télétravail, la flambée des prix d’habitations a également un rôle à jouer.
C’est du moins ce que Charles Brant, directeur du service de l’analyse du marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), a confirmé au journal La Voix de l’Est au mois de juillet dernier. Cette affirmation est également appuyée par Danielle Pilette, professeure associée à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et experte en urbanisme: « C’est extrêmement difficile de trouver une demeure avec un prix raisonnable. Cette crise du logement s’étend même sur la Rive-Sud. »
Selon La Presse, la métropole est la seule région du Québec où le nombre de sortants et sortantes a augmenté l’année dernière. Mario Polèse, expert dans l’économie des villes, affirme que Montréal n’a pas pu compter sur ces deux types de citoyens et citoyennes pour venir y habiter: les étudiants et étudiantes, qui sont restées dans leurs régions, et les immigrants et immigrantes, qui sont restées dans leurs pays d’origine.
Un chiffre imposant, mais pas étonnant
Montréal est habituée à voir certains de ses citoyens et citoyennes quitter leur domicile. « Entre 20 000 à 25 000 personnes quittent Montréal chaque année », énonce Mme Pilette. « Habituellement, ce sont surtout les jeunes familles et les personnes âgées qui quittent pour aller s’installer en région. », ajoute-t-elle.
C’est d’ailleurs le cas de Simon Kingsbury, qui fait partie des Montréalais qui ont quitté l’île dans la dernière année. L’auteur-compositeur de 33 ans résidait principalement à Montréal pour les opportunités musicales. Or, il n’a plus de contrats depuis le mois de mars suite à la fermeture des bars et des restaurants. Il a donc déménagé dans la municipalité de Mont-Saint-Grégoire avec sa partenaire. « La famille de ma copine possède une ferme là-bas et nous avons décidé de déménager en novembre », affirme l’artiste en expliquant que sa conjointe travaille à domicile pour une agence, tandis qu’il considère retourner aux études pour la session d’automne 2021.
« Il n'y a plus rien qui me retient à Montréal », conclut-il.
M. Kingsbury prévoit également fonder une famille dans les prochaines années; il estime que la ville, située en Montérégie, est l’option idéale. Une fois la pandémie terminée, il n'exclut pourtant pas l’idée de retourner vivre dans la métropole: « J’aime beaucoup Montréal, c’est sûr que j’y retournerais. Mais nous sommes bien installés ici, alors ce ne serait pas une décision facile. »
Malgré la forte baisse d’immigration, le centre urbain a tout de même accueilli 5 000 habitants et habitantes en 2020. Il s’agit par contre d’un chiffre relativement bas si on considère l'augmentation de 37 000 citoyens en 2019, selon l’Institut de la statistique du Québec.
Par ailleurs, Montréal n’est pas la seule ville qui souffre de ce mouvement. Selon Statistiques Canada, 15 000 habitants et habitantes de Vancouver ont déménagé en région entre le 1er juillet 2019 et le 1er juillet 2020. Toronto est également l’une des villes canadiennes les plus touchées avec plus de 50 000 personnes qui ont migré vers les autres régions de l’Ontario.
Un exode urbain moins populaire dans d’autres provinces canadiennes
Terre-Neuve-et-Labrador, province habituée aux migrations causées majoritairement par les jeunes adultes, a vécu une année relativement stable. Avec l’école en ligne et le télétravail, les gens sont restés chez eux. Martha Woolfrey, étudiante de 19 ans en design de mode à l’Université d’Ottawa, fait partie des nombreux étudiants et étudiantes touchées par la pandémie. Alors qu’elle habitait sur le campus pour ses premières sessions, elle n’a pas eu le choix de retourner chez elle lorsque la COVID-19 est arrivée au Canada. « Tous les étudiants universitaires sont revenus ici pour faire l’école à distance. C’est étrange pour nous, on n'est pas habitués à avoir autant de monde à Botwood », raconte-t-elle. Sa ville natale comptait environ 2 700 habitants en 2016, selon Statistiques Canada. Ce changement se fait donc ressentir par tout le monde.
« Toutes les provinces maritimes vivent la même situation », affirme l’experte en urbanisme Danielle Pilette. Selon elle, beaucoup de travailleurs et travailleuses allaient en Alberta pour l’industrie du pétrole. Ils et elles ont dû quitter ces emplois avec le confinement. « Avec les étudiants en ligne et les adultes sans emploi, il est sûr que la population va augmenter », ajoute-t-elle.
D’autres villes ne font l'objet d’aucun exode urbain, bien au contraire: pour la ville de Saskatoon, en Saskatchewan, la population augmente de plus en plus. Le site de données américain World Population Review enregistrait 324 000 habitants et habitantes en 2020. En janvier 2021, on en dénombrait 331 000.
Ainsi, l’exode urbain apporte certains questionnements. Saskatoon et Montréal, pourtant deux villes canadiennes, ont vécu des mouvements de population de deux manières complètement différentes. Il reste à savoir si des démarches seront mises en place par la mairie de Montréal pour tenter de freiner cet exode urbain.
Crédit-photo: Benjamin Richer