Le candidat vainqueur de l’élection présidentielle du 9 mars dernier en Corée du Sud, Yoon Suk-yeol, a émis des propositions antiféministes assumées. Cet argumentaire a séduit des jeunes hommes coréens, pour qui la misogynie est fort populaire.
Au cours de sa campagne, le nouveau président de la Corée du Sud, Yoon Suk-yeol, s’est engagé à abolir le Ministère de l’égalité des genres et de la famille et a blâmé le mouvement féministe pour le faible tôt de natalité que connaît le pays.
Ces propos contrastent avec les statistiques. En 2020, le pays présentait un écart salarial de 31,5 % entre les femmes et les hommes, soit le pire résultat parmi les pays membres de l’Organisation de Développement et de Coopération économique (OCDE).
L’antiféminisme comme outil de séduction
Les candidats à l’élection cherchaient particulièrement à courtiser les jeunes dans la vingtaine et la trentaine, qui ont joué un rôle pivot aux élections. Pessimiste face à son avenir, ce pan de la population sud-coréenne échappe à la vague progressiste de l'après-dictature de 1979.
Selon le chercheur associé à l’Observatoire de l’Asie de l’Est (OAE) à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Cheolki Yoon, « les jeunes hommes ont de la difficulté à trouver des emplois à la hauteur de leurs attentes et extériorisent leur sentiment d’exclusion en ciblant un bouc émissaire. » Ils accusent donc la place accrue des femmes au sein du marché du travail et disent subir de la discrimination inversée, explique le chercheur.
M. Yoon estime que les engagements antiféministes du président élu a jeté de l’huile sur le feu du sentiment de mécontentement des jeunes hommes.
Le chercheur précise que l’antiféminisme s’est implanté chez les jeunes hommes sans laisser de place à la rationalité et à un dialogue sensé sur l’inégalité des genres. « En Corée du Sud, il n’y a pas de consensus social sur les inégalités sociales », dit-il.
« La vision du rôle de la femme est complètement dépassée. Les femmes qui se marient doivent abandonner leurs ambitions et servir leur maris » — Annie, coréo-américaine
Importantes inégalités culturelles
« La vision du rôle de la femme est complètement dépassée. Les femmes qui se marient doivent abandonner leurs ambitions et servir leur maris », explique la coréo-américaine Annie*, qui travaille dans un média en Corée du Sud et qui souhaite préserver l’anonymat par crainte de représailles de son employeur. Elle ajoute que cette pensée est presque universelle en Corée. La Corée du Sud se place actuellement au 102erang mondial de l’indice d’écart entre les sexes.
Les prochaines décisions du gouvernement n’amélioreront probablement pas la situation. À l’aube du mandat de Yoon Suk-yeol, Annie s’attend à une régression à la Trump. « Il faudra continuer à se battre et à se défendre contre ces idéologies antiféministes qui me paraissent complètement absurdes », explique-t-elle, alors qu’elle perçoit le long chemin qu’il reste à parcourir pour les femmes en Corée du Sud.
*Nom fictif afin de préserver l’anonymat.
Photo : Magali Brosseau