L’application mobile BLM invite la population de Toronto à consommer dans des commerces tenus par des personnes noires. Deux mois après son lancement, elle génère peu de réactions auprès des commerces pour qui elle fait pourtant la promotion.
Sunny Nakra et Samuel Boylan-Sajous, deux diplômés de l’Université de Guelph, ont souhaité offrir une meilleure visibilité aux commerçants noirs et commerçantes noires de Toronto. Ils ont donc conçu une carte interactive permettant de localiser les entreprises qui appartiennent à des personnes noires. En amont, les concepteurs ont mis de l’avant une approche éducative. Un volet retrace l’histoire de la lutte contre le racisme systémique tandis qu’un autre propose des manières de s’impliquer. Cette approche vise ultimement une mobilisation des internautes. L’application gratuite est disponible depuis la fin du mois d’août.
La majorité des personnes contactées par L’Apostrophe n’était pas au courant de l’existence d’une telle initiative. Certaines paraissaient même surprises que leur commerce figure sur l’application, comme la fleuriste du Blooming Flower Bar, Anji Shukla :
«Je ne connais rien de cette application. J’ignorais que j’en faisais partie. Comment puis-je y avoir accès?»
Plusieurs n’étaient donc pas en mesure d’évaluer les retombées de cette publicité pour leur entreprise.
Cette incohérence remet en question l’idée selon laquelle la pérennité des entreprises tenues par des personnes noires dépend de ce genre d’initiative. Sylvie Thobor, propriétaire de la boulangerie Thobors avec son conjoint, justifie leur réussite en affirmant que son «[...] mari est apprécié de ses clients pour ses qualifications et sa gentillesse». La réalité du couple est cependant différente, car seul son compagnon est noir. M. et Mme Thobor questionnent la légitimité de cette initiative. «Nous avons l'impression que la société continue de diviser les gens par leurs différences. Parce que moi qui suis blanche, si j'ai une entreprise qui ne fonctionne pas, et bien je me demanderais pourquoi, moi, je n'ai pas cette aide, donc ça provoque des conflits», s’inquiète Mme Thobor.
Combattre le racisme systémique
En septembre dernier, Justin Trudeau a annoncé le déblocage de 93 millions de dollars pour soutenir les entreprises appartenant à des personnes noires. Il s’agit non seulement d’une action concrète pour lutter contre le racisme systémique, mais aussi de la première intervention fédérale destinée à offrir un soutien directement aux entrepreneurs noirs et entrepreneuses noires. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, Sunny Nakra qualifie la nouvelle «[d’] absolument phénoménale».
Comme d’autres mesures sont attendues, l’engouement fait place à l’expectative pour plusieurs propriétaires. Sylvie Thobor y voit une occasion de promouvoir l’éducation. Elle insiste sur le fait que «[...] les gouvernements doivent s'impliquer dans la mixité.»
Photo par Julien Proulx-Lareau