Au Québec, l’accès à l’avortement est facile et même banalisé, selon certains militants et certaines militantes anti-avortement. Ces derniers et dernières restent toujours actives au Québec, dénonçant une société qu’ils et elles croient problématique.
Militant anti-avortement depuis près de 11 ans pour Campagne Québec-Vie (CQV), le vice-président du mouvement, Brian Jenkins, a assumé la responsabilité d’organiser une vigile religieuse anti-avortement d’une durée de 40 jours dans la ville de Sherbrooke.
Selon lui, bien qu’il soit « délicat de parler d’avortement au Québec », les événements comme celui de Sherbrooke sont essentiels « pour le respect de la vie ». « La vie commence à la conception, pas à l’accouchement », précise le militant. Il affirme toutefois que le mouvement Campagne Québec-Vie « respecte le libre arbitre de ces femmes et que [l’avortement demeure] leur décision. »
Une première à Sherbrooke
Le mouvement anti-avortement CQV tenait, du 22 septembre au 31 octobre, cette vigile de 40 jours afin d’informer les gens en dehors de Montréal de cet enjeu. Les militantes et militants, au nombre quotidien de cinq ou moins, se faisaient discrets en respectant une distance de 50 mètres de la clinique d’avortement comme le dicte la loi 105. « Ils sont dociles, ils viennent parfois prier à la chapelle, mais on ne les voit pas beaucoup », indique un agent de sécurité de l’Hôpital D’Youville, situé en face de la Clinique de planning, santé sexuelle et planification familiale de Sherbrooke du CIUSSS de l’Estrie où avait lieu la manifestation.
Questionné sur l’impact qu’il pense avoir eu à Sherbrooke, Brian Jenkins affirme avoir eu « des dialogues merveilleux avec des passants » et avoir pu amplifier la visibilité de sa cause. Néanmoins, l’événement n’a pas eu l’ampleur espérée. Le Service de police de Sherbrooke n’avait pas pleinement connaissance de la vigile en cours, comme l’affirme un de leurs agents rencontré en patrouille.
« [Aucune] femme ne sort en santé d’un avortement et on ne réfléchit pas en tant que société aux conséquences de cet avortement. » -Marie-Paule Ross
L’avortement banalisé au Québec selon les militants et militantes
La société québécoise est laïque, mais ça ne freine pas la sœur Marie-Paule Ross, experte en sexologie et engagée dans les questions de sexualité, qui estime que l’avortement est banalisé au Québec. Selon la sœur Ross, plusieurs femmes font appel « à l’avortement trop vite, sans en connaitre les conséquences. » Elle renchérit: «[Aucune] femme ne sort en santé d’un avortement et on ne réfléchit pas en tant que société aux conséquences de cet avortement. »
Pour l’intervenante psychosociale et sexologue du Cégep Saint-Laurent Stéphanie Tessier, « la décision de se faire avorter n’est jamais prise à la légère, [avoir recours à l’avortement] restera à jamais gravé dans [la mémoire des femmes y ayant eu recours] ».
Contrairement aux dires de Mme Ross, Mme Tessier pense que l’avortement ne serait pas banalisé au Québec. « Il n’y a aucune publicité sur les cliniques et on ne les voit pas à tous les coins de rue », affirme-t-elle. Elle réitère que les ressources d’aide et de soutien existent au Québec. Selon l’intervenante psychosociale, les choix des femmes avortées devraient toujours être respectées et ce, peu importe la manière dont elles abordent leur expérience.
Des femmes laissées à leur sort
Selon le militant et la militante anti-avortement, le problème est qu’on laisse de côté les femmes avant et après l’avortement. « L’aide aux femmes [ayant eu recours à l’avortement] devrait être plus importante, notamment lors de leur parcours de deuil », explique Brian Jenkins.
Avec la ligne d’écoute Enceintes et Inquiètes que M. Jenkins a aidé à mettre en place, il croit avoir pu convaincre de nombreuses femmes qui envisageaient avoir recours à l’avortement. Selon lui, « chaque être humain est fait à l’image de Dieu et mérite la protection ».
Toutefois, l’intervenante psychosociale Stéphanie Tessier, qui a notamment déjà conseillé à une mineure en situation précaire d’avoir recours à l’avortement, croit que « cet enfant arrive parfois au mauvais moment et [que] le mettre au monde n’apportera rien de bon [à la femme enceinte] ». Brian Jenkins avance pour sa part que plusieurs couples sont infertiles au Québec et que les grossesses pourraient être portées à terme dans le but d’offrir une famille à ce nouveau-né.
Sœur Marie-Paule Ross a quant à elle établi une « méthode intégrale - non reconnue par les ordres médicinaux canadiens - qui consiste à dire au revoir à cet enfant perdu ». Néanmoins, les trois personnes rencontrées par L’Apostrophe croient que les femmes ayant recours à l’avortement doivent être davantage soutenues. « Tout dépend de l’accompagnement [qu’elles] obtiennent avant, pendant et après l’avortement pour ce qui est de prendre une décision », conclut d’ailleurs Stéphanie Tessier.
Photo: Victoria Boisclair