En 2018, le Canada a été le premier pays à qualifier de génocide le traitement subi par la minorité Rohingya au Myanmar. Ce n’est pourtant qu’en septembre dernier que le gouvernement canadien a annoncé qu’il appuierait la Gambie dans sa procédure entamée à la Cour internationale de Justice (CIJ) contre le Myanmar.
Il pourrait sembler aberrant qu’il y ait eu un délai de deux ans entre la déclaration du Canada et son passage à l’action devant la CIJ. L’avocat en droit international Bruno Gélinas-Faucher explique qu’il est malheureusement normal que ce genre de poursuite s’éternise. Il cite par exemple le cas de la Croatie qui a débuté en 1999 et qui ne s’est terminé qu’en 2015.
Des problèmes juridiques risquent de survenir lorsque plusieurs pays avec des historiques de violations des droits de la personne se poursuivent l’un l’autre.
M. Gélinas-Faucher craint que l’intervention du Canada ralentisse davantage le processus, car la défense pourrait critiquer le Canada quant aux traitements des Autochtones. Il estime que le procès pourrait même s’étendre «jusqu’à cinq ans».
M. Gélinas-Faucher mentionne également que, même si la CIJ conclut que le Myanmar commet bel et bien un génocide, le problème ne serait pas pour autant résolu. En effet, le gouvernement du Myanmar pourrait selon lui continuer de persécuter la minorité Rohingya, même après un jugement défavorable de la Cour internationale de Justice. Dans ce cas, la Chine, alliée puissante du pays, pourrait bloquer une intervention militaire des Nations Unies. Que cette intervention armée ait lieu ou pas, une condamnation pour génocide par la CIJ pourrait malgré tout nuire au Myanmar économiquement et géopolitiquement parlant.
Le monde musulman
Le professeur et expert en politique du monde arabo-musulman de l’Université de Montréal Jamal Abdullah qualifie de «timide et honteuse la réponse des pays musulmans face aux génocides». Selon lui, «la majorité des 57 pays musulmans de l’Organisation de la coopération islamique est influencée par l’Arabie saoudite, qui est un pays dominant au sein de la coopération. Ce pays est économiquement proche de la Chine, et cette dernière est relativement proche du Myanmar, ce qui crée un important conflit d’intérêts.»
Le gouvernement du Bangladesh, qui accueille actuellement près d’un million de réfugiés rohingyas, semble aussi indisposé à abriter cette minorité musulmane de façon permanente.
L’implication canadienne
Quelques 300 millions de dollars ont été envoyés par le Canada pour aider le Bangladesh dans la crise des réfugiés rohingyas. Ce soutien financier aide à loger et à nourrir plus de 500 000 résidents à Kutupalong, le camp de réfugiés le plus populeux au monde. L’aide canadienne, étant guidée par la Politique d’aide internationale féministe du Canada, portera une attention particulière aux besoins spécifiques des filles et des femmes.
Photo par Édouard Desroches