Depuis juillet 2021, 155 constituantes et constituants élus ont la responsabilité d’écrire une nouvelle constitution pour remplacer celle de Pinochet, qui fait encore régner la privatisation.
En octobre 2019, les Chiliens et les Chiliennes en ont eu assez. À la suite de l’augmentation du prix du billet de métro de 30 pesos, le peuple se soulève. « Ce ne sont pas 30 pesos, mais 30 ans d’abus », scande-t-il.
La répression était violente et elle « visait à faire mal », assure Ricardo Peñafiel, professeur associé au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Plus de 400 personnes ont subi des blessures aux yeux en quelques mois.
En novembre 2019, le gouvernement de Sebastián Piñera cède aux pressions de sa population et annonce un changement de constitution. Un an plus tard, 78,27 % de la population vote en sa faveur, donnant son aval à la « Convention constituante », assemblée chargée de réécrire la loi fondamentale.
Les membres de la Convention, 77 constituantes et 78 constituants, voteront sur les articles de la Constitution, qui sera ensuite soumise à un référendum. Parmi les élues et les élus, 17 sièges ont été réservés aux Autochtones.
Privatisation de l’eau
L’eau est une « ressource privée », souligne Ximena Cuadra Montoya, Chilienne et doctorante en science politique à l’UQAM. Cette privatisation est la cause de plusieurs inégalités. « Les personnes, les communautés ou les organisations qui ne possèdent pas de droit à l’eau ne peuvent pas l’utiliser », illustre la Chilienne. En décembre dernier, des écoles de la commune de Petorca ont réduit leurs heures d’ouverture en raison d’une pénurie d’eau.
Pinochet, dictateur au pouvoir de 1973 à 1990, a privatisé l’eau. « La constitution de Pinochet [crée] un mécanisme pour inscrire des droits pour commercialiser l’eau », explique Mme Cuadra Montoya. Si ce mécanisme est encore en vigueur aujourd’hui, la Convention pourrait changer cette situation. « On discute d’un mécanisme pour garantir l’accès à l’eau comme un droit humain maintenant au Chili », révèle la doctorante.
Exploitation forestière et luttes mapuches
Les entreprises forestières possèdent une grande quantité de terres dans le Centre-Sud du pays, explique Mme Montoya. Elles y exploitent sur des terres contestées des monocultures exotiques qui exacerbent les sécheresses.
Les Mapuches, un peuple autochtone, luttent contre « la dépossession des terres et des ressources naturelles [qui] appartiennent de manière ancestrale à ces communautés », affirme la doctorante.
Toutefois, cette lutte est violemment réprimée. « Les Mapuches, lorsqu’ils vont commencer à résister contre les compagnies forestières, on va traiter leurs revendications comme si c’était du terrorisme », indique M. Peñafiel. L’État serait coupable « [d’assassinats déguisés en] suicides, d’arrestations arbitraires et d’assassinats politiques », précise-t-il.
La démocratie devait ramener les droits enlevés sous la dictature, mais elle n’a rien fait d’autre que de perpétuer le modèle néolibéral dicté par la Constitution, affirme M. Peñafiel. La société chilienne est comparable à une oligarchie selon le professeur, une minorité privilégiée écrasant la majorité. « Cette structure sociale va constituer un terreau fertile pour le néolibéralisme », explique-t-il.
Photo: Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo