Un premier microsatellite myanmarais sera lancé de la Station spatiale internationale (SSI) l’année prochaine. Conçu en collaboration avec l’Université Hokkaido et l’Université Tohoku au Japon, il s’ajoutera à la constellation de satellites d’un consortium composé de neuf pays asiatiques pour mieux répondre aux urgences climatique et économique.
Le Myanmar a été le deuxième pays le plus affecté par des événements météorologiques extrêmes entre 1999 et 2018, selon l’Indice mondial de risque climatique de 2020. « Il y a tous les ingrédients pour faire en sorte que ce sont des zones particulièrement à risque », explique Philippe Gachon, professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) spécialisé en changements climatiques. Selon lui, le climat tropical, la hausse des niveaux de la mer et des vagues, les zones côtières à basses altitudes et les précipitations abondantes sont tous des facteurs pour un cocktail climatique explosif fragilisant la population déjà vulnérable.
Au Myanmar, où près des deux tiers de la population œuvrent dans le secteur agricole, l’insécurité alimentaire et une perte importante de leurs revenus pourraient à long terme engendrer des migrations climatiques et des tensions politiques.
Le microsatellite permettra une collecte de données offrant un portrait des changements climatiques afin de développer des stratégies cohérentes pour en réduire les impacts. Selon Dean Sangiorgi, ingénieur principal en sciences et technologies spatiales à l’Agence spatiale canadienne, les microsatellites sont souvent utilisés pour calculer l’impact des changements climatiques.
« Ils mesurent les éléments chimiques dans l’espace […]. Ils permettent également de prendre des mesures d’humidité dans l’air et dans les terres, et le carbone dans l’eau », explique-t-il.
Le microsatellite myanmarais suivra les typhons, l’activité sismique et les courants marins du continent et évaluera l’état des cultures agroalimentaires et la déforestation.
Une question d’accessibilité
Avant la dernière décennie, le déploiement de satellites était réservé aux pays les mieux nantis, puisque cela nécessitait des installations à plusieurs centaines de millions de dollars. Comme l’explique Taryn Tomlinson, gestionnaire de programme de l’équipe des relations stratégiques à l’Agence spatiale canadienne, certains pays doivent trouver d’autres moyens. Pour le Myanmar, cela passe par la collaboration avec un pays plus expérimenté, le Japon, et par les microsatellites. Ces derniers mesurent un maximum de 50 cm de chaque côté et pèsent environ 50 kg. Bien que leur durée de vie soit courte, ils possèdent plusieurs avantages selon Dean Sangiorgi : leur lancement et leur technologie miniaturisée coûtent moins cher, tout en demeurant aussi efficaces que les satellites conventionnels. Concrètement, la construction et le lancement de deux microsatellites sur cinq ans ne coûte qu’environ 16 millions de dollars au Myanmar.
L’industrie aérospatiale est coopérative. « Il existe tout un écosystème qui aide à ouvrir les portes d’accès à ceux qui n’ont pas l’argent nécessaire pour les lancements », explique Taryn Tomlinson. Il peut toutefois s’avérer avantageux pour un pays d’acquérir son propre satellite. « Si on démontre que la technologie est efficace, on peut la revendre de façon à l’utiliser de façon opérationnelle sur d’autres satellites », observe Dean Sangiorgi.
Un partenariat prometteur entre le Myanmar et le Japon.
Le partenariat entre les deux universités japonaises et le gouvernement myanmarais est né du Asian Micro--satellite Consortium (AMC), un groupe de 16 agences spatiales et universités de neuf pays asiatiques voulant ultimement créer une constellation de microsatellites.
L’inexpérience du Myanmar dans le domaine spatial n’a en revanche pas empêché sa prépondérance dans le projet. Le premier comité gouvernemental responsable de la mise en place d’un système satellite myanmarais a été établi en 2017. Depuis, ce projet, financé entièrement par le Myanmar, est chapeauté par un comité gouvernemental spatial ayant à sa tête le vice-président du pays, et dont plusieurs de ses membres sont sur l’équipe de conception des microsatellites. Enfin, sept étudiants et étudiantes de la Myanmar Aerospace Engineering University font aussi partie du projet.
Pour sa part, le Japon agit davantage comme ressource et structure coopérative. Réunissant la communauté internationale, il a chapeauté la signature de deux accords du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR) en 2005 et 2015. Dans le cadre du projet myanmarais, le Japon fournit les installations des universités Hokkaido et Tohoku et forme les sept étudiants et étudiantes sélectionnées. La fermeture des frontières en raison de la pandémie a retardé leur voyage, mais ils et elles devraient arriver en novembre au Japon pour terminer le premier satellite, dont le lancement est prévu pour février 2021, et entamer la construction du deuxième, selon Yemin Htay, étudiant du projet.
Illustration par Édouard Desroches