Outre l’écart du salaire minimum entre les deux provinces et un âge légal différent pour y consommer de l’alcool et du cannabis, la population de Lloydminster n’est pas victime de sa frontière, préférant plutôt vivre en tant que ville soudée. À l’exception des quelques variations législatives, la ville en oublie sa séparation.
« Il n’y a pas de tension entre les deux parties de la ville puisque les difficultés économiques sont les mêmes d’un côté à l’autre », affirme le maire de la ville de plus de 30 000 habitants, Gerald Aalbers, qui occupe le poste depuis 2016. Il y a, pour cette municipalité à cheval sur la frontière du territoire albertain et saskatchewanais, deux bureaucraties provinciales distinctes, en plus des divers représentants parlementaires qui y sont affiliés.
Siégeant au sein du conseil municipal, M. Aalbers travaille donc de pair avec les multiples représentants provinciaux de Lloydminster lors de négociations avec le gouvernement fédéral canadien. Le maire qualifie d’intéressante cette particularité du poste : « C’est plutôt unique de ce côté : je dois m’adresser à deux perspectives différentes sur une base régulière, tout en considérant le besoin de joindre les deux provinces lorsque l’on a accès à du financement fédéral. » La ville s’inscrit aussi dans deux circonscriptions électorales fédérales distinctes, soit celles de Battlefords et de Lakeland Region.
Une ville de compromis
Le salaire minimum est l’enjeu le plus important pour les habitants de Lloydminster. En 2020, le salaire minimum en territoire albertain est de 15$ l’heure. Du côté opposé, en Saskatchewan, il est de 11,90$ l’heure. Les entreprises saskatchewanaises n’ont alors d’autre choix que d’offrir des salaires compétitifs pour attirer de la main-d’œuvre : « Si vous pouviez faire plusieurs dollars de plus par heure quelques rues plus loin, vous voudriez travailler ainsi. Voilà pourquoi je pense que les employeurs respectent le marché et ses salaires », précise le maire Aalbers.
Il en est de même pour l’âge légal quant à la consommation d’alcool et de cannabis, qui est de 18 ans en Alberta et de 19 ans en Saskatchewan. N’étant pas du ressort des autorités municipales, cette tâche est du ressort de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Réalité économique partagée
Malgré les quelques nuances d’un bout à l’autre de Lloydminster, une harmonie insoupçonnée persiste. Les similarités culturelles entre l’Alberta et la Saskatchewan aident au maintien de cette cohésion sociale, que l’on pourrait croire facilement ébréchée dans un contexte économique complexe pour la population de l’Ouest canadien : « Beaucoup des résidents de Lloydminster souffrent de difficultés monétaires, et plusieurs se sentent aliénés par les décisions économiques du gouvernement fédéral. Cela provient d’un nationalisme exacerbé bien ancré en Alberta ainsi qu’en Saskatchewan », observe un travailleur de la construction ayant vécu des deux côtés de la frontière, Michael Norman. Il soutient aussi que la fluctuation du marché pétrolier est intrinsèquement liée aux difficultés économiques des provinces des Prairies.
En dépit de ces difficultés, la force de Lloydminster réside dans l’esprit de communauté de sa population. « Les seules tensions résident dans les rivalités sportives, durant des parties de la Ligue canadienne de football (LCF) ou de la Ligue nationale de hockey (LNH) », plaisante M. Aalbers.
Photo: Courtoisie de la mairie de Lloydminster