En République démocratique du Congo dans la région d’Ituri située au nord-est du pays, les Mbuti, un peuple autochtone pygmée, sont la cible de menaces territoriales, culturelles et climatiques.
Les Mbuti vivent dans les forêts de la région d’Ituri abritant une faune sauvage parmi les plus riches d’Afrique centrale. On retrouve entre 30 000 et 40 000 Mbuti sur le territoire. La forêt, source de leur existence, est le sanctuaire de leurs ancêtres et est sacrée pour eux. Depuis des générations ils et elles vivent en osmose avec la nature, leur mode de vie s’effrite aujourd’hui.
Casse-tête du territoire
« Le tout premier [enjeu du territoire], c’est la déforestation », mentionne Michel Baudouin, directeur de l’École Régionale Postuniversitaire d’Aménagement et de Gestion Intégrés des Forêts et Territoires tropicaux (ERAIFT). Selon lui, plusieurs zones deviennent stériles en termes de faune en raison du modèle d’agriculture pratiqué. Il ajoute que le manque de stratégie et d’aménagement des terres y est pour beaucoup.
La République démocratique du Congo connaît une augmentation annuelle de population de 3% et l’agriculture pratiquée est trop peu productive pour répondre à cette pression démographique importante. Les agriculteurs et agricultrices pratiquent une agriculture sur brûlis. Les terres sont défrichées par le feu, ce qui gruge de plus en plus de zones boisées.
La déforestation n’est pas la seule menace. La forêt tropicale d’Ituri est une mine d’or, littéralement. Environ 25 000 personnes y creusent illégalement. Elles violent ainsi la réserve faunique des Okapis de la région d’Ituri en l’exploitant de façon dévastatrice, selon le directeur de l’école de l’ERAIFT. Elles y utilisent non seulement du mercure ce qui pollue les rivières, mais y exercent aussi une menace violente et multidimensionnelle à la sécurité du peuple pygmée.
Sortir de la forêt
Face à ces menaces sociales et physiques, les Mbuti n’ont eu d’autre choix que d’adapter leur mode de vie. Pratiquant la chasse depuis 5000 ans, les Mbuti sont nomades. Les membres de la communauté construisent des huttes faites de cordes de vignes recouvertes de larges feuilles. La réalité actuelle les a obligés à aller plus loin dans la forêt pour trouver le gibier de plus en plus rare. Quand la chasse devient trop difficile, certain.es vont même en ville pour travailler comme ouvrier.ères.
La journaliste du Inertia Network, Robyn Huang, témoigne des impacts de l’influence extérieure sur la communauté, observés lors de son séjour au sein d’un groupe Mbuti en 2021. Plusieurs autochtones se sont confié.es à elle. Ils et elles lui ont partagé les fortes discrimination et persécution vécues en ville. Les Mbuti n’y sont pas perçus comme égaux. Cela fait une trentaine d’années qu'ils et elles ont adopté les habits occidentaux pour mieux s’intégrer, en vain. « Malgré les influences et oppressions sociales extérieures subites, les Mbuti continuent à vivre ensemble dans l’harmonie, porté.es par la construction d’une communauté inclusive », raconte-t-elle.
Contrairement au regard que l’on porte sur eux, les Mbuti valorisent une relation égalitaire entre chaque membre de la communauté, la nature en fait partie, témoigne Robyn Huang. Voilà ce que, comme société occidentale, nous ne maîtrisons pas encore, selon elle.
Avenir climatique
L’expert en accès, traitement et partage de données d'observation de la Terre qui a travaillé dans le cadre de la 6e étude du GIEC, Serge Riazanoff, a partagé ses prévisions climatiques « apocalyptiques » pour le territoire. Les mises en scène des données de l’Institut de Pierre-Simon Laplace illustrent une augmentation des précipitations d’environ 70% d’ici 2100 avec une hausse exponentielle de leur hauteur pour atteindre près de 0,3mm/h. Selon ses recherches, il sera aussi possible d’observer une augmentation importante des températures nocturnes et diurnes.
La forêt d’Ituri étant une immense pompe à eau selon Michel Baudoin, les répercussions se traduiront par une hausse sévère du taux d’humidité et de nouvelles conditions de vie en forêt changeant complètement le visage de la faune et la flore, et conséquemment l’avenir des Mbuti. Le destin d’un peuple si loin de nous portant pourtant le reflet de notre propre avenir.
Illustration: Naïla Kitiara Houde