En travaillant sur les prototypes actuels d’ordinateurs quantiques, qui sont encore loin d’obtenir les résultats espérés, les scientifiques, les entreprises et les pays du monde entier essaient de mettre au point la technologie de demain. Bien différents des ordinateurs de bureau, ils sont destinés à la recherche en médecine, en physique et même en environnement.
Pour fonctionner, ces machines se basent sur les lois de la physique quantique. Contrairement à un ordinateur classique qui ne peut se trouver que dans un seul état binaire (0 ou 1) , ils fonctionnent avec ce qu’on appelle des « qubits » (quantum bits) qui, de manière binaire, sont capables de se trouver à la fois dans l’état 0 et 1.
Pour trouver la combinaison d’un cadenas à 4 chiffres, un ordinateur classique va essayer toutes les possibilités les unes à la suite des autres, alors qu’un ordinateur quantique va réaliser toutes les combinaisons en même temps. C’est ce que l’on appelle la « superposition d’états ». Ceci permettrait de réaliser des calculs beaucoup plus complexes en un temps record.
Cette technologie est encore instable. Les ordinateurs ne fonctionnent qu’un court instant et ont besoin d’un traitement spécifique. Ils doivent être maintenus à une température proche du zéro absolu (-273°C) et être plongés dans le noir total. Ces machines ne sont capables d’utiliser qu’une faible quantité de qubits, environ 400, alors que la majorité des programmes en nécessiteraient des milliers.
Ces difficultés rendent dubitatifs des chercheurs et chercheuses quant à la faisabilité du projet, mais cela n’empêche pas les firmes multinationales de recevoir un financement toujours plus important des gouvernements.
La prise de position des scientifiques
Cela fait de nombreuses années que les mathématiciens et mathématiciennes créent des algorithmes quantiques. Selon Greg Kuperberg, professeur mathématicien américain à la UC Davis, en Californie, « les algorithmes actuels vont bien au-delà de ce que peut réaliser un ordinateur quantique ».
La majorité des conclusions que font les chercheurs et chercheuses se basent sur des interprétations d’algorithmes qui ne peuvent pas être exploités, car les ordinateurs actuels ne sont pas assez performants.
Cependant, les scientifiques s’accordent sur l’impact indéniable que ces ordinateurs auront sur l’intelligence artificielle ou la conception d’engins aérospatiaux.
Selon John Martinis, physicien et professeur américain à l’Université de Californie à Santa Barbara, c’est dans le domaine de la chimie médicale que va servir cette technologie : « Cela permettra d’analyser les molécules afin de faire des simulations et ainsi mettre au point de nouveaux traitements. »
Le rôle des entreprises
Les entreprises travaillent main dans la main avec les chercheurs et chercheuses afin de mettre au point cette technologie. Les États-Unis investissent dans les entreprises comme Google et IBM. Selon Les Échos, en 2020, le gouvernement américain avait prévu de dépenser 625 millions de dollars sur cinq ans.
Ces firmes mettent tout en œuvre pour devenir les précurseurs de ce marché. Alexandre Choquette, responsable des activités d’IBM Quantum au Canada explique que « IBM propose une offre intitulée Quantum Safe Cryptography, conçue pour les grandes entreprises désireuses de changer leurs systèmes de cryptage ».
On assiste à une course entre les pays, alimentée par des financements toujours plus conséquents, à l’image de la Chine qui, toujours selon le journal Les Échos, a investi plusieurs milliards de dollars américains afin de rattraper son retard.
John Martinis, qui a travaillé sur le premier ordinateur quantique de Google, n’est pas surpris d’un tel investissement.
« C’est une technologie bien difficile à mettre en œuvre et à l’époque des ordinateurs classiques, il y avait énormément de financement, alors que l’on ne savait pas précisément à quoi cela allait servir. », souligne-t-il.
Différentes façons de percevoir l’avenir
Les multinationales ont besoin de financement et perçoivent les ordinateurs quantiques comme de futurs produits commerciaux. Selon John Martinis, elles ont donc parfois recours au “sensationnalisme”, comme lorsqu’elles parlent de « course contre les pays » comme argument pour obtenir du financement de la part du gouvernement.
Toutefois, selon John Martinis, cela relève davantage d’une « course contre la nature », car des calculs de plus en plus complexes sont exponentiellement plus exigeants pour la machine, qui doit utiliser davantage de qubits pour les résoudre.
Certaines firmes encouragent également la création d’algorithmes par le grand public, en donnant la possibilité d’utiliser quelques qubits d’un ordinateur quantique en passant par le cloud. « C’est une façon d’introduire les gens à ce produit. Il est en réalité trop difficile d’apporter une réelle contribution, surtout avec les moyens dont les gens disposent », précise Greg Kuperberg.
Illustration : Élisabeth Bujold-Gauthier