Le gouvernement fédéral ne verse plus d’argent à l’Alberta lié à la péréquation et leur a récemment imposé une taxe carbone, au mécontentement du premier ministre albertain, Jason Kenney.
« La péréquation est un système de redistribution des richesses du gouvernement fédéral envers les provinces », explique le professeur d’économie Jean-Denis Garon. « Plus une population est nombreuse, plus le montant sera élevé », poursuit-il. L’Alberta ne reçoit pas d’argent de la péréquation parce que son produit intérieur brut (PIB) est plus élevé que la moyenne des autres provinces.
Plusieurs formules mathématiques sont utilisées pour déterminer le montant alloué à chaque province. Le Québec trône au sommet de la pyramide avec 13,25 milliards de dollars. Le Manitoba est loin derrière avec 2,51 milliards. Mais comment est-ce possible que le Québec, qui n’a toujours pas ratifié la Constitution, obtienne la plus grosse part du gâteau? « Même si le Québec n’a pas adhéré à la Constitution, [la péréquation] s’applique quand même. La province paie des impôts à Ottawa et fait élire des députés à la Chambre des communes », explique le professeur à l’Université d’Ottawa et expert en droit constitutionnel Benoît Pelletier.
L’Alberta, artisan de son propre malheur?
La péréquation continue de semer la discorde au sein des provinces de l’ouest, en particulier en Alberta. « Depuis plusieurs années, il y a un sentiment d’aliénation dans l’Ouest canadien. Sous Stephen Harper, l’Ouest était en position de force », ce qui n’est plus le cas maintenant, affirme M. Pelletier.
En revanche, certains affirment que l’Alberta ne peut que se blâmer pour ses déboires financiers. C’est le cas du professeur au département d’économie appliquée de HEC Montréal Robert Gagné : « [L’Alberta] a des problèmes de gestion de ses finances. Elle ne perçoit pas de taxe de vente et le taux d’imposition des Albertains est très faible. » Le professeur Garon abonde dans le même sens : « Dans le passé, le gouvernement albertain a pris de mauvaises décisions, comme celle de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Son économie repose en grande partie sur le pétrole. »
La péréquation divise également les experts. « Le système doit être complètement réformé. Ça décourage le développement économique. On voit seulement les inconvénients. C’est une trappe de pauvreté », affirme le chercheur senior à l’Institut économique de Montréal (IEDM) Germain Belzile. De son côté, Jean-Denis Garon n’a pas voulu se mouiller. « La question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre la péréquation. Elle a beaucoup de faiblesses, mais elle est nécessaire pour contrer le déséquilibre fiscal des provinces. »En ce qui a trait aux autres alternatives possibles, les points de vue divergent aussi. M. Belzile croit qu’on pourrait arriver à trouver de meilleures avenues. « Il faudrait mettre en place des politiques qui ne sont pas toujours dépendantes du gouvernement fédéral. Par exemple, si quelqu’un veut bénéficier de l’aide sociale, il doit être allé à l’école », explique le chercheur. Cependant, Robert Gagné est moins optimiste que son collègue. « Au Canada, ça serait très difficile, car notre pays est une fédération, donc il n’y a pas beaucoup de mécanismes de redistribution des richesses entre les provinces. Par exemple, les routes sont de juridiction provinciale. Ça prend un système explicite de transferts comme la péréquation », illustre-t-il.
La taxe de la discorde
La taxe carbone fait elle aussi couler beaucoup d’encre. « C’est une théorie économique qui pénalise les entreprises industrielles polluantes, c’est-à-dire celles qui produisent beaucoup de gaz à effet de serre (GES) », précise le professeur de comptabilité et fiscalité à l’université TÉLUQ Anis Maaloul. L’objectif de cette taxe est d’amener les compagnies à utiliser des énergies vertes. Si l’entreprise n’est pas un gros pollueur, la facture sera moins dispendieuse.
Pourquoi cette taxe crée-t-elle autant de discorde? Selon M. Maaloul,
« l’Alberta n’est pas d’accord [avec cette taxe], car elle est davantage pénalisée par rapport aux autres provinces. Elle veut prouver que celle-ci est anticonstitutionnelle. » La Cour d’appel de l’Alberta a tranché en sa faveur. Ce jugement pourrait donner des munitions à d’autres provinces qui souhaiteraient, elles aussi, contester la taxe carbone.
Photo par Benjamin Richer