Il est nécessaire de se questionner sur la pertinence des débats des chefs aujourd'hui, de chercher à comprendre s'il y a réellement présence d'un dialogue entre ceux-ci et si cette formule politique réussit à faciliter la prise de décision des électeurs.
Avant l'annonce de la victoire des libéraux, analystes, journalistes et électeurs ont pu prendre connaissance des idées et programmes de plusieurs formations politiques lors des débats du 7 et 10 octobre derniers. «Pour les plus petits partis aussi c'est très important, parce qu'ils ont moins de visibilité, donc le débat c'est quelque chose qui est très essentiel pour eux», affirme le chef du bureau politique au magazine L'actualité et analyste politique à Radio-Canada, Alec Castonguay, qui fait part de son penchant pour ces soirées d'affrontements. Ces débats, dans certains cas, aident les électeurs à se faire une première idée des programmes offerts par les différents partis.
Un sondage récemment mené par la firme Phoœnix SPI pour le compte d'Élections Canada suggère que la partie de la population s'intéressant le plus sérieusement à la politique fédérale est le groupe des personnes âgées de 55 ans et plus. Selon les résultats récoltés par cette même firme de recherche, «58 % des jeunes de 18 à 24 ans signalent que la politique les intéresse».
Pour susciter un plus grand intérêt des jeunes adultes envers les débats des chefs, les différents débats ont été médiatisés puis diffusés dans les différents médias d'information et sur les réseaux sociaux, permettant aux utilisateurs d'y assister en temps réel. C'est une initiative saluée par l'ancien rédacteur en chef du Huffington Post Québec, maintenant professeur en journalisme à l'Université du Québec à Montréal, Patrick White. «Je pense qu'il faut que ce soit très accessible et effectivement, Radio-Canada fait maintenant un consortium. Cela fait que les débats sont diffusés partout, incluant le Huffpost, L'actualité, La Presse, Groupe Capitales Média, donc de ce point de vue là, c'est très réussi», explique-t-il. Le fait de s'adapter aux divers médias fait en sorte que toutes les générations tombent inévitablement sur ces débats, peu importe les médias qu’ils consultent. Encourager les gens à suivre l'événement est essentiel selon M. Castonguay, qui précise que «pour bien des gens, ça va être la seule chose qu'ils vont regarder de la campagne».
Un format qui sème le doute
Pourtant, selon M. White et M. Castonguay, c’est le format de l'événement qui devrait être revu pour espérer obtenir de meilleures cotes d'écoute. Ils mentionnent certains éléments plus problématiques, notamment les réponses qui ne devaient pas excéder 45 secondes, la modération du débat ainsi que les questions factices échangées entre les chefs. Si les contraintes de temps et de modérateurs posaient surtout problème lors des deux premiers débats, la rigidité du format amené par la Commission des débats des chefs du Canada a, de son côté, créé un dialogue peu naturel entre les chefs.
L'ancienne cheffe du Parti vert du Canada, Elizabeth May, est celle qui a subi le plus fréquemment les lourds règlements de la Commission des débats des chefs du Canada, mandatée d'organiser les deux débats des chefs dans les deux langues officielles. «C'est un format vraiment difficile avec les chefs et les modérateurs. Les commissaires ont changé le format et personne ne m'avait informé que le temps alloué à chaque chef serait plus court», s'exclame Mme May, en visite dans le métro de Montréal. Elle tire tout de même satisfaction de sa présence aux débats. Cette année marquait sa première invitation et elle précise qu’il est impossible de savoir si son parti aura la même chance lors des prochaines campagnes électorales. «Je devais me plaindre aux médias et aux organisations des émissions pour dire que le Parti vert n'était jamais accepté», déplore Mme May. Toutefois, la politicienne n'aura plus à en endosser cette responsabilité puisqu'elle a annoncé le 4 novembre dernier qu'elle quittait la direction du parti, tout en restant députée de sa circonscription britanno-colombienne de Saanich–Gulf Islands.
Au terme de cette campagne, M. White rappelle que le débat des chefs, globalement, «demeure un exercice qui est positif pour la démocratie et pour aider les citoyens à faire un bon choix.» Au bout du compte, avec un peu de changements à apporter dans les prochaines années, cette formule peut aider tout individu à se faire une impression de la politique canadienne.
Photo par Laurence Taschereau