Plusieurs raisons amènent les électeurs d’aujourd’hui à voter pour divers partis politiques et à changer leur choix d’une élection à l’autre, contrairement aux années 1800, où le vote était déterminé par l’allégeance de leur famille envers un certain parti.
Étudiante en science politique à l’Université du Québec à Montréal, Marie-Kym Sauriol est un exemple de la disparition de ce phénomène. Lors des élections fédérales de 2019, à sa première occasion de se prévaloir de son droit de vote, elle a brisé la tradition en ne votant pas pour le parti pour lequel sa famille votait depuis plusieurs générations. Selon elle, «les jeunes, avant, étaient plus enclins à voter pour le même parti que leurs parents en raison de l’absence de l’influence des réseaux sociaux. De nos jours, il est facile de faire ses propres recherches et [de développer] ses propres opinions via Internet.»
Traditionnellement, le père était l’initiateur de ce vote générationnel, alors que la femme votait comme son mari et les enfants comme leur père. À l’époque, l’orientation politique n’était pas un secret bien gardé; chaque famille qui votait, par exemple, pour le Parti libéral était fière de s’afficher ainsi, tout comme celles qui votaient pour le Parti conservateur.
La disparition du vote générationnel est donc liée à la réduction de l’influence des parents sur le vote de leur enfant, explique Marie-Kym Sauriol. «La façon dont nos parents nous élèvent a une certaine influence sur notre vote, mais jusqu’à une certaine limite. Mais si j’ai des parents ayant des préjugés sur les minorités culturelles, il y a de fortes chances que ceux-ci me transmettent ces préjugés et influencent mon choix», continue-t-elle. Elle indique aussi que le web permet entre autres de communiquer avec collègues et amis, et que ceux-ci peuvent avoir plus d’influence sur le vote d’une personne que sa famille.
Les choix multiples en cause
La chargée de cours à l'école de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Eugénie Dostie-Goulet, soutient «qu’au cours des dernières décennies, particulièrement sur la scène provinciale, plusieurs nouveaux partis se sont ajoutés au paysage politique. Cela offre de nouvelles possibilités». En effet, les électeurs ont bien plus de choix qu’en 1872, alors que, selon le site du Parlement canadien, seulement six des 200 élus ne provenaient pas des deux partis majeurs aspirant à former le gouvernement, soit les partis libéral et conservateur. Avec six partis qui ont des opinions différentes sur plusieurs enjeux électoraux, les électeurs ont maintenant l’embarras du choix, ce qu’ils n’avaient pas en 1872.
La pluralité des voix politiques permet également aux plus jeunes électeurs de choisir un parti qui promeut et représente leurs valeurs, qui se distinguent parfois de celles de leurs parents. «L’enjeu de la souveraineté, [par exemple], n’occupe plus aujourd’hui la même importance, alors que d’autres, comme l’environnement, en prennent de plus en plus», ajoute Mme Dostie-Goulet, pour illustrer ses propos.
Illustration par Lila Maître