Depuis les premiers mois de 2020, un nouveau genre de vidéo se démarque sur la plateforme TikTok, souvent accompagné des hashtags #nativetiktok ou #indigenous. En effet, les jeunes générations autochtones s’y distinguent par le partage de leur culture et leurs traditions.
Selon les observations de L'Apostrophe, le but de filmer ces vidéos, pour ces jeunes, serait d’abord d’être fiers de leurs origines, de parler de leur héritage et de montrer qu’ils et elles sont vraiment au-delà des stéréotypes. Mais c’est avant tout de changer les perspectives entourant les Autochtones, une capsule à la fois.
« Je suis étonnée de voir à quel point, pour une province qui a comme devise “Je me souviens”, on n’a aucune mémoire historique », déclare la directrice du programme en études autochtones de l’Université de Montréal, Marie-Pierre Bousquet. L’histoire du Québec, c’est aussi la colonisation des Autochtones et il y a toujours des séquelles et des conséquences qui sont ressenties aujourd’hui.
« C’est qu’historiquement, nous n’avions pas le droit de montrer notre culture, nos chansons et nos danses en public, raconte Cougar Kirby, un Mohawk de Kahnawake. C’est une démonstration de notre résilience. Le fait qu’autant de gens puissent voir nos traditions est sans précédent. »
La professeure agrégée en santé et bien-être chez les peuples autochtones de l’Université de Montréal, Sarah Fraser, explique que, par ses rencontres des 15 dernières années, elle a compris que beaucoup de membres des communautés autochtones sont excessivement généreux et généreuses dans la distribution des savoirs et de la culture. « Lorsqu’un individu se montre intéressé, ouvert et sans jugement, très souvent il est rencontré avec ouverture et partage », raconte-t-elle.
Hyperconnectés
« La culture autochtone survit en la racontant et je crois que c’est juste l’adaptation moderne des traditions », explique M. Kirby. Les réseaux sociaux peuvent avoir un aspect positif dans un contexte d’éducation. C’est une visibilité qu’il n’y avait pas avant. « L'utilisation de TikTok n’est pas à voir comme un phénomène nouveau, mais plutôt comme une plateforme nouvelle pour faire ce qui est si humain à faire: partager, apprendre, créer », dit Mme Fraser. De son côté, Mme Bousquet croit que les médias sociaux font partie de l’arsenal des moyens pour sensibiliser la population à la culture autochtone. « Toute cette créativité-là, elle peut s’exprimer de toutes les manières possibles parce que tout peut être une occasion de parler de choses qui sont en fait sérieuses », explique-t-elle.
S’il y a une plus grande ouverture aujourd’hui, c’est qu’avec les réseaux sociaux il n’est plus possible d’ignorer ce qui se passe. Des événements dramatiques deviennent ainsi des facteurs de sensibilisation. « Ça a été diffusé en direct sur Facebook et ça a été un changement majeur », indique Marie-Pierre Bousquet, en faisant référence aux événements liés aux décès de Joyce Echaquan et de George Floyd.
Maintenant, il y a des plateformes pour se faire voir et se faire entendre; un dialogue devient ainsi possible. « Cela conduit à une meilleure compréhension et sympathie pour les causes autochtones et [pour] notre survie », dit Cougar Kirby. Pour tout être humain, l'identité et l'appartenance sont essentielles au bien-être individuel et collectif. « On ne peut qu'espérer que cela puisse permettre à certains d'apprendre, de respecter et de partager », conclut Sarah Fraser.
Crédit-photo: Marie-Soleil Brault