Raïs Zaidi, œuvrant bénévolement sous l’alias du Pirate Vert, offre de la nourriture gratuite aux personnes en situation d'itinérance et de précarité. Portrait d’un flibustier avec le cœur sur la main.
C’est son implication à Occupons Montréal, en 2011, qui a conscientisé le Montréalais à la cause de l'insécurité alimentaire. « C’est là que j’ai découvert le dumpster diving et la situation des gens dans la rue. Comme tout le monde, je savais que ça existait des gens dans la rue, mais je n’avais jamais eu d’expériences directes avec eux », témoigne celui qui s’est depuis donné la mission de réduire les écarts quant à l’accessibilité alimentaire.
« À partir de 2011, quand j’ai commencé à faire du dumpster, je plaçais des surplus sur un petit banc devant chez nous », explique-t-il. Au fil des années, son butin a grandi. « Grâce au bouche-à-oreille, j’ai fini par avoir [des] contacts. Chaque semaine, on ramasse [désormais de la nourriture] dans trois banques alimentaires, une épicerie et un café », raconte-t-il.
Malgré la crise sanitaire, le pirate a maintenu sa distribution de denrées devant sa résidence d’Hochelaga-Maisonneuve. « On est encore plus occupés [depuis la pandémie], autant au niveau de la demande que des dons. »
« Je fais confiance que si les gens viennent, c’est qu’ils ont réellement besoin de nourriture. Je ne juge pas les gens. Tout le monde peut avoir faim, même si tu as un bon emploi ou une voiture. » - Raïs Zaidi
« En moyenne, on offre trois fois par semaine de la nourriture. [...] C’est facilement 200 à 300 personnes [aidées] par semaine. On demande à chaque personne de prendre un maximum de deux sacs réutilisables », mentionne Raïs Zaidi avant de poursuivre en expliquant que mis à part cette contrainte, tous et toutes sont les bienvenues. « Je fais confiance que si les gens viennent, c’est qu’ils ont réellement besoin de nourriture. Je ne juge pas les gens. Tout le monde peut avoir faim, même si tu as un bon emploi ou une voiture. »
L’esprit de piraterie
« Quelque part en 2007, avec les premiers films des Pirates de Caraïbes, j’ai trouvé ça cool et je me suis un peu identifié aux pirates », relate M. Zaidi. En plus d’arborer leur style vestimentaire, l’homme a adopté l’esprit de camaraderie et d’égalité qui régnait au sein de ces équipages. Ces idéaux guident désormais son combat bénévole.
Son bras droit, Benoît Valiquette, confirme le côté anarchique de Raïs, inspiré des flibustiers. Il « cherche à sortir du cadre capitaliste dans lequel on vit aujourd’hui. Le capitalisme tient sur un principe hiérarchique, tandis que l’anarchisme tient sur un principe d'égalité et de gestion horizontale. »
Cette quête de justice sociale, portée à bout de bras par l’Hochelagais, change irrévocablement le visage de son quartier. M. Valiquette rappelle qu’il y a « une grande partie d’Hochelaga-Maisonneuve qui est un désert alimentaire. [...] Avec la distribution qui est faite par le Pirate Vert, on apporte dans ce désert une forme d’oasis ».
Photo : Sarah Brûlé