Chaque génération d’agriculteurs doit composer avec le manque de relève et constamment s’adapter pour réussir dans le milieu. L’année 2019 a été particulièrement mouvementée pour l’industrie au Québec.
La question se pose toujours: les agriculteurs ont-ils encore un avenir au Québec? Les avis sont partagés. Éleveur de bisons depuis huit ans à La Terre des Bisons à Rawdon, dans Lanaudière, Jean-Philippe de Montigny est optimiste : « Oui, il y a un avenir pour les agriculteurs. Cependant, le métier va se modifier au fil du temps. On a besoin de nourriture, d’aliments [plus naturels]. Il faut changer nos habitudes de consommation. » En revanche, c’est le manque de relève qui lui fait le plus mal, compte tenu de la charge de travail qui ne fait qu’augmenter. C’est une réalité vécue par un bon nombre de fermiers.
L’horticulteur Raïs Zaidi, alias le « le Pirate Vert », s’est plutôt tourné vers l’agriculture urbaine, c’est-à-dire une agriculture pratiquée en ville qui se veut plus écologique et qui sert à nourrir seulement ceux qui la pratiquent. Pour lui, il s’agit d’une alternative intéressante à l’agriculture dite traditionnelle, qui consiste à produire des aliments en quantité, souvent par l’usage de produits chimiques. Bien qu’il produise moins de fruits et de légumes qu’une grande ferme familiale traditionnelle, il ne chôme pas et nourrit adéquatement sa famille, sans difficultés financières. M. Zaidi s’implique au sein de plusieurs projets liés à l’agriculture urbaine dans le but de faire connaître ses avantages à un plus grand nombre de personnes.
Une pénurie contestée
Selon Jean-Philippe de Montigny, cette pénurie de main-d’œuvre en agriculture ne date pas d’hier. « Posséder une entreprise agricole est très prenant, ça demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent pour assurer la rentabilité de celle-ci », explique l’agriculteur. Pour ces raisons, les jeunes délaissent graduellement ce mode de vie depuis plusieurs années.
Cependant, pour le professeur de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation à l’Université Laval, Dany Cinq-Mars, le manque de relève n’est pas préoccupant. « Nous avons des nombres plus importants d’étudiants en agriculture malgré un creux démographique de naissances, ces années-ci. Au contraire, les jeunes sont de plus en plus intéressés », affirme-t-il.
Pourtant, avec le nouveau Guide alimentaire canadien, cette profession en prend pour son rhume cette année. Auparavant, le Guide laissait une place de choix aux produits laitiers, qui sont désormais inclus dans la catégorie des produits protéinés. Les producteurs laitiers craignent une baisse de consommation du lait. Selon M. de Montigny, on peut revaloriser cette profession en en parlant plus, en faisant de la publicité ou en montrant les beaux côtés, comme le fait de travailler en nature. « Le Pirate Vert », quant à lui, pense qu’il faut se rapprocher des consommateurs : « il faut travailler avec les citoyens au lieu des organismes et des instances politiques. De cette façon, les agriculteurs ont plus de chance de se faire entendre. [...] Mais on est sur la bonne voie actuellement. »
Les femmes sous-représentées
Autre constat préoccupant: la majorité des agriculteurs sont des hommes. Même s’il s’agit d’une profession traditionnellement masculine, cette tendance change graduellement. Florence Paradis, qui termine la technique en production horticole et de l’environnement volet grandes cultures et cultures maraîchères à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA), à Saint-Hyacinthe, en témoigne : « En tant que femme, il est évident que je me démarque dans le domaine agricole. Pour être prise au sérieux dans le milieu de l’agriculture, une femme se doit de posséder une multitude d’expériences y étant reliées ou une expertise qui ne peut être remise en question. » Sa collègue Véronique Bélanger n’est pas du même avis et croit plutôt que seule la passion importe : « Non, je suis une passionnée comme tous ceux qui décident de faire de l’agriculture leur métier, leur mode de vie. »
Bref, la majorité des intervenants interrogés s’entendent tous sur un point : il y a encore place à l’agriculture au Québec.
Photo par Florent Maiorana