Utiliser la réalité virtuelle (RV) dans les entraînements d’athlètes de calibre olympique, une idée farfelue? Pas si l’on en croit les 4,3 millions d’euros investi dans le projet REVEA (Optimisation de la performance par la réalité virtuelle) par l’Agence nationale de la recherche (ANR) en France.
Le projet REVEA développe actuellement des entraînements virtuels pour les athlètes français qui participeront aux Jeux olympiques de Paris en 2024 dans trois disciplines, soit la boxe, l’athlétisme et la gymnastique.
L’initiative est coordonnée par l’Université Rennes 2 en partenariat avec trois autres universités et des organismes sportifs. Le projet se veut révolutionnaire dans le monde du sport, mais aussi dans l’apprentissage et la pédagogie, la réalité virtuelle étant davantage utilisée dans le monde du divertissement.
Jonatan Deveau, coordonnateur du programme « Réalité virtuelle, mixte et augmentée » à l’Institut Grasset, affirme que « c’est une technologie qui est beaucoup plus utilisée en divertissement. On a qu’à penser à Ubisoft, qui possède dix fois les moyens de l’Université Laval dans la recherche sur la réalité virtuelle. On n'est pas à la même place […] mais les technologies développées en jeux vidéo peuvent très bien servir dans un rôle éducatif. »
Un entraînement différent et stimulant
Et pour cause, la description du projet REVEA par les médias français fait curieusement penser à un jeu vidéo. En athlétisme par exemple, l’utilisation de cette technologie est utilisée pour optimiser le départ de course des relayeurs du 4x100m.
Plongé sur une piste virtuelle du Stade de France, l’athlète a une marge d’erreur de 80 cm au moment de recevoir le relais de la part d’un coéquipier virtuel, soit de quelques millisecondes. Des capteurs sur ses souliers indiquent si son départ est réussi ou non.
En boxe, l’athlète doit éviter les coups de son adversaire virtuel. Selon Richard Kulpa, responsable du volet boxe du projet REVEA, un entraînement physique avec un vrai partenaire va davantage travailler le côté offensif, alors que l’entraînement immersif pratique la gestuelle et l’aspect défensif.
Un projet ambitieux et productif
Il n’est plus question de parcourir des données dans une simulation, on utilise ici ces technologies pour optimiser la performance des athlètes olympiques. Un projet ambitieux et interdisciplinaire selon l’ANR. Développé depuis à peine deux ans, il fait déjà l’objet de nombreux congrès scientifiques en Europe.
Tony Bates, chercheur canadien en technologies éducatives et auteur du livre L’enseignement à l’ère du numérique, explique que développer ces technologies requiert beaucoup de travail et de budget : « L’un des obstacles principaux est le coût, non pas de l’équipement ou du matériel, mais de la conception du système d’une telle technologie. La programmation requise pour interpréter des simulations physiques proches [...] n’est pas chose aisée. »
Il ajoute qu’il « faut aussi s'habituer à l’environnement et à ses caractéristiques. La pratique et l’expérience constituent un passage forcé afin de savoir comment tirer le meilleur de cette technologie. »
L’utilisation accrue de la réalité virtuelle
M. Deveau est toutefois optimiste quant aux coûts de ces technologies : « Avec le volet éducatif de la réalité virtuelle de plus en plus mis de l’avant, le coût de la recherche et des équipements diminue rapidement ». Il ajoute que cela est dû à l’intérêt grandissant pour la RV dans l’éducation et la formation : « il y a clairement un [intérêt populaire] et si on accepte que le réalisme [de la réalité virtuelle] n’est pas la réalité, cela offre vraiment un apprentissage différent qu’avec un enseignant ou un entraîneur. »
Deveau est catégorique à propos de l’avenir de la réalité virtuelle dans le sport : « Ça va être de plus en plus utilisé partout, c’est indéniable. Même que la réalité augmentée, je crois, encore plus immersive et unique, va prendre le dessus. »
De son côté, Tony Bates tire une conclusion semblable : « On commence à explorer cette technologie. Un peu comme avec l’intelligence artificielle [IA] je pense, qui a poireauté pendant des années avant de connaître un gain d’intérêt phénoménal. L'[IA] permet de recenser toutes ces données, je pense que les deux vont de pair, et c’est vrai pour le futur aussi ».
Illustration : Éli Bujold-Gauthier