Le Sahel est dans une situation instable: l’importante croissance démographique et la désertification sont des menaces pour la sécurité alimentaire. Les difficultés que rencontre la Grande muraille verte pourraient avoir des effets désastreux.
La région semi-aride du Sahel, située au sud du Sahara et au nord de la savane, a commencé à se désertifier durant la seconde moitié du vingtième siècle, lorsque la population grandissante coupait massivement les arbres pour se chauffer et pour élargir les champs.
En 2007, pour combattre la désertification, un projet ambitieux, la Grande muraille verte, a été entamé. L’objectif de l’époque était de faire une immense muraille de 100 millions d’hectares dans la région du Sahel.
Le gigantesque mur vert, qui devait à l’origine faire 15 kilomètres de large, 8000 kilomètres de long et traverser 11 différents pays, devait fournir des emplois pour 10 millions de personnes, restaurer 100 millions d’hectares de terres arables et stocker 250 millions de tonnes de carbone hors de l’atmosphère.
Constat difficile
Aujourd’hui, le projet peine à atteindre les objectifs fixés en 2007. Le chercheur Papa D. Sambou, titulaire d’une maîtrise en gestion environnementale à l'Université Senghor en Égypte, explique que « seulement 4% des 100 millions d’hectares prévus pour 2030 ont été plantés, dont la moitié l'ont été en Éthiopie. »
Pour le spécialiste en gestion durable des terres, Chris Reij, qui a reçu, entre autres, le titre honorifique de champion global des terres arides de 2013 décerné par les Nations unies, il faudrait que l’organisation devienne huit fois plus performante si elle veut atteindre ses objectifs. M. Reij explique que ces constats décevants sont dus au fait qu’« au début des années 2010, les techniques de plantation étaient assez mauvaises. »
Au début des années 70, une période de sécheresse a eu des conséquences désastreuses sur les cultures et il est estimé qu’entre 50 et 70% du bétail a été perdu.
Une désertification menaçante
Selon l'estimation de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, les terres agricoles du Sahel pourraient, à court terme, perdre jusqu’à 30% de leur productivité. Le Sahel est aussi la région du monde où la population croît le plus rapidement. En 2030, les Nations unies y prévoient 450 millions d’habitants, soit 100 millions de plus qu’en 2019.
La désertification peut engendrer bien des difficultés. La famine en fait partie. Au début des années 70, une période de sécheresse a eu des conséquences désastreuses sur les cultures et il est estimé qu’entre 50 et 70% du bétail a été perdu. Durant cette période, le Sahara a avancé de 100 kilomètres vers le sud et environ 100 000 personnes sont mortes lors d’une famine en 1973 seulement.
La population ne fait pas que souffrir de la faim dans ces conditions. M. Sambou, qui a aussi étudié la relation entre les conflits armés et les ressources en eau, prévient que la désertification risque de provoquer des affrontements violents. Les gouvernements sont déstabilisés par des conséquences économiques liées à la sécheresse, ce qui aide des groupes comme l’État islamique et al-Qaïda à élargir leur influence. De plus, des conflits entre des cultivateurs et cultivatrices et des agriculteurs et agricultrices qui se disputent des ressources rendues rares peuvent parfois devenir violents.
Verdure au bout du tunnel
Malgré ces résultats décevants, certains pays du Sahel ont plus de succès. C’est le cas du Niger. M. Reij explique le succès du pays par trois aspects différents.
D’abord, les personnes qui habitent ces terres sont impliquées dans le processus de reforestation: « ils comprennent mieux que quiconque comment prendre soin de leurs propres terres », explique-t-il.
Ensuite, une grande partie du succès nigérien est reliée à une technique de culture forestière traditionnelle. « Ils taillent les branches des arbustes qui poussent naturellement de manière à faire un tronc. Au lieu de rester un arbuste, en quelques années il deviendra un arbre de 5 ou 6 mètres. Ça fait beaucoup plus de biomasse. »
Finalement, M. Reij explique « qu’il faut que les pays fassent des législations qui encouragent les fermiers à prendre soin des arbres en rendant évident que les arbres sur leurs terrains sont leurs possessions. » D’après lui, les arbres seront mieux entretenus par les fermiers et les fermières s’ils les possèdent.
Pour M. Reij, un des plus gros problèmes avec le projet est que les organisateurs et les organisatrices ont de la difficulté à concrétiser les actions nécessaires pour contrer la désertification.
En plus de la gestion des terres, la gestion des ressources en eau peut être une partie de la solution. M. Sambou souligne que « durant la saison des pluies, les quantités d’eau qui tombent peuvent être recyclées. Des projets en ce sens ont été initiés au Sénégal avec des bassins de rétention ».
Le 11 janvier dernier, lors du One Planet Summit pour la biodiversité, le président français Emmanuel Macron a annoncé des investissements internationaux de 18 milliards de dollars canadiens sur 5 ans pour le projet. Pour M. Sambou, « les [18] milliards de dollars pour relancer la deuxième étape des activités de l’agence panafricaine de la grande muraille verte sont une bonne nouvelle. Cependant, espérons que les montants annoncés seront au rendez-vous et à temps et qu’ils ne soient pas détournés en Afrique vers d’autres projets ou secteurs dits “prioritaires’’».
Illustration : Camille Cusset