L’Apostrophe est allé à la rencontre d’une famille marocaine pour discuter, autour d’une tasse de thé, de son arrivée au pays et de l’héritage qu’elle souhaite laisser à leurs enfants.
En septembre 2000, Jalila et son mari Moulay quittent le Maroc pour venir s’installer au Québec.
Oeuvrant tous les deux dans le domaine de l’informatique, il et elle y ont vu l’occasion de venir s’établir dans le berceau de l’Amérique française et offrir une qualité de vie différente à leur fille Zara*, alors âgée de 3 ans. Le couple vend tout ce qu’il possède et se dit prêt pour une nouvelle aventure.
Vingt et un ans plus tard, le couple ne regrette pas la décision qu’il a prise à l’époque.
Leur arrivée au pays n’a pas été facile. L’amour du couple l’a mené à sa vie actuelle, car en dépit des nombreuses embûches, il est toujours resté soudé et a affronté ensemble chacun des défis que représentait l’immigration.
Avant d'arriver au pays, le couple s’était fait une idée du Québec sous le prisme des images des « cartes postales », raconte Jalila. Il s’attendait à une grande ouverture d’esprit, à un accueil chaleureux et à des hivers beaucoup moins froids.
La réalité s’est avérée bien différente : Jalila et sa famille ont fait face à du racisme, tant au travail qu'à l’école des enfants.
Quelques années après l’arrivée de sa famille au Québec, Jalila a pris la décision de se départir de son voile pour réussir à trouver un emploi. Elle voulait cesser d’être associée à une religion et être choisie pour son expertise.
Les enfants n'ont pas vécu le mode de vie et les coutumes marocaines, mais l’heure du thé demeure un moment important pour la famille en raison de sa nature rassembleuse. Elle accorde un grand respect aux traditions liées au service du thé, le breuvage de l’amitié et de l’hospitalité, que ce soit pour une grande réception ou pour leur consommation personnelle.
Dès son arrivée au pays, Jalila a tenté de s'imprégner de la culture québécoise et de la partager avec ses enfants pour qu’ils et elles s’en imprègnent à leur tour. Lorsque ses enfants devaient faire la lecture de grands classiques québécois, elle faisait de même pour se familiariser avec l’histoire du Québec, leur nouvelle maison.
Jalila et son conjoint ont d’ailleurs décidé de s’impliquer dans leur communauté et dans les établissements scolaires de leurs enfants. De l’école primaire à l’université, la mère de famille a toujours fait partie des différents comités de parents pour assurer un bel avenir à ses enfants et faire évoluer les mentalités liées aux diversités ethniques. Moulay est fier de redonner à celles et ceux qui les ont accueillis.
À leur arrivée au Québec, loin de leur famille au Maroc, Jalila et son conjoint Moulay ont réussi à se créer un réseau de voisinage qui, aujourd'hui, est comme une deuxième famille pour elle et lui.
Certes, au départ, la cohabitation avec des gens issus de multiples cultures s’est faite avec quelques obstacles. Néanmoins, peu à peu, les membres du voisinage ont tissé des liens très forts : ils et elles peuvent aujourd’hui compter les uns et les unes sur les autres.
C’est à travers les regards et les commentaires des autres qu’Ayoub, fils aîné de Jalila et Moulay, a compris que ses origines le rendent différent des autres Québécois et Québécoises. Lorsqu’ils vont au Maroc pour visiter la famille, lui et son frère Adam se sentent davantage comme des touristes, et ce, malgré leurs racines marocaines. Ils se disent chez eux, ici, au Québec.
Jalila et Moulay apprécient voir leurs enfants évoluer à travers les valeurs et le mode de vie du Québec. Si Adam et Ayoub se disent Québécois, leurs parents se considèrent, au contraire, citoyen et citoyenne du Québec. Malgré cela, il et elle ne changeraient rien à leur parcours et à la vie qu’il et elle se sont fait au Québec.
* Zara est un nom fictif. La participante a demandé de livrer son témoignage de façon anonyme.
Illustrations des capsules audio par Frédérique Mailloux