Le grillon nécessite 2000 fois moins d’eau et 12 fois moins de nourriture que le bœuf pour produire la même masse de viande. Son apport en protéines est deux fois plus important que celui de la viande rouge, et cet insecte est une source significative d’oméga 3, d’oméga 6, de fibres, de zinc, de calcium, de potassium, de fer et de vitamine B12.
Partiellement (ou entièrement) remplacer la viande par des insectes permettrait de diminuer significativement l’empreinte écologique des sociétés occidentales.
Se fermer les yeux
En Occident, l’idée de croquer dans une larve, ou de découvrir un corps de sauterelle démembré dans une bouchée de brownies fait frémir les gens. Et pourtant, ces produits se retrouvent, à l’instant même, dans des marchés bondés de gens qui ont, depuis longtemps, adopté cette diète. D’autres personnes, étant pourvu(e)s de la même structure génétique, de la même évolution, sont dégoutées.
Des insectes se retrouvent dans les assiettes de plus de deux milliards d’humains et humaines en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Plus de 2000 espèces différentes sont comestibles. Une variété d’insectes règne au sein d’une multitude de cultures, mais pas dans la nôtre.
La peur a beau être un gage de survie, la communauté scientifique et les communautés qui consomment des insectes ont prouvé, à tout ce monde craintif, que les insectes méritent notre confiance.
Les règles d’hygiène et de salubrité des fermes d’insectes sont aussi rigoureuses que celles des élevages de bétail, selon une réponse de Santé Canada à L’Apostrophe. Ces invertébrés sont donc destinés à la consommation humaine.
Se tremper l’orteil, sans plus
Entomofarms, une entreprise ontarienne qui se consacre à l’élevage de grillons en tant qu’alternative durable au bétail traditionnel depuis 2014, s’est donnée le défi de bousculer le marché. « Nous ne produisons pas de nourriture, nous vendons des ingrédients, explique Laura Metcalf, la vice-présidente aux ventes d’Entomofarms. Ma mission est d’approcher les fabricants d’aliments avec des idées pour incorporer la farine de grillons à leur produits, comme des barres protéinées, des préparations de boissons protéinées ou même de la nourriture pour animaux de compagnie ».
Pour que les entreprises canadiennes d’élevage d’insectes demeurent viables, elles sont obligées d’orienter leurs produits vers les fabricants de nourriture pour animaux de compagnie. « C’est un marché qui est plus ouvert, puisque plusieurs animaux domestiques développent des allergies au poulet, un des ingrédients les plus populaires », justifie-t-elle.
C’est triste à dire, mais c’est plus facile pour les gens de faire un premier pas en nourrissant leurs chats et chiens avec des insectes qu’en essayant eux-mêmes de se confronter au dégoût - un dégoût psychologique, puisque ce qui brusque les gens, c’est l’idée de manger des insectes, et non leur goût en soi.
La tête contre la langue
La clientèle ne doit pas se rendre compte qu’elle mange des insectes, leur goût doit être caché. « Les gens doivent s’habituer à l’idée de manger des grillons pour qu’ils puissent tranquillement les considérer comme de la nourriture », dit Laura Metcalf.
En procédant ainsi, la conscience des gens a beau progresser tranquillement, cela ne les habitue pas davantage au goût des insectes, une saveur inconnue pour la quasi-totalité des gens.
Entre consommer de la farine d'insectes dissimulée dans une barre protéinée ou avaler une cuillère de larves de mouches soldat noires séchées, il y a un fossé à combler. C’est ce que le chef et influenceur Joseph Yoon essaie d’accomplir : éduquer les gens sur les façons d’incorporer progressivement des insectes dans la diète quotidienne.
La créativité culinaire se prête tout aussi bien aux insectes qu’aux aliments plus communs. On peut les frire, les assaisonner, les émietter, ou même en faire une salade césar. Il y a déjà une vingtaine de fermes entomologiques au Canada qui produisent majoritairement des grillons, des ténébrions meuniers et des mouches soldat noires. La seule chose qui manque, c’est de retrouver des coquerelles, des chenilles, des sauterelles et des termites dans les épiceries (et dans le guide alimentaire canadien).
Les escargots ont prouvé qu’on pouvait franchir la barrière de « dégueulassitude », il est temps qu’on élargisse notre curiosité pour le bien de la planète, mais également pour sortir de notre cocon de confort et s'ouvrir aux découvertes d’ailleurs.
Crédit photo : Analuisa Gamboa