La transformation du candidat et de la candidate à la présidentielle américaine de 2024 en réels mèmes sur deux pattes peut sembler attrayante en matière de marketing. Il est cependant facile de franchir la fine ligne entre le divertissement et la politique et, donc, de tomber dans le ridicule.
Que l’on parle de l’apparition de Kamala Harris à l’émission Rupaul’s Drag Race ou de la participation de Donald Trump au balado du commentateur Joe Rogan, il est indéniable que les politiciens et politiciennes américaines sont aujourd’hui directement liés à la culture populaire.
L’utilisation des réseaux sociaux est à priori une bonne technique pour séduire l’électorat, mais à quel prix? Oublie-t-on, à travers tous ces mèmes mettant les politiciens et politiciennes en vedette, que l’avenir d’un pays est en jeu? À notre avis, un peu, oui.
Kamala Harris et Donald Trump ont été glorifié(e)s par les internautes tout au long de la dernière campagne présidentielle. Ce phénomène, que l’on appelle le culte de la personnalité, s’est transformé en technique de marketing politique. Il ne date toutefois pas d’hier.
Politiciens devenus célébrités
Selon l’encyclopédie Britannica, le culte de la personnalité est un système « centré sur la glorification quasi-religieuse institutionnalisée d'un individu spécifique ». Ce type d’idéalisation d’une personne en position de pouvoir a évolué au fil des années et s’est transformé depuis le XXe siècle en « culte de leaders charismatiques, un type de culte de la personnalité basé sur un leader politique et conçu pour renforcer son pouvoir, magnifier son idéologie et légitimer le pouvoir du gouvernement qui lui est associé ».
Ce genre de technique n’est pas propre aux présidents américains, même si elle a souvent été utilisée par certains d’entre eux pour se donner fière allure. Au contraire, on associe habituellement le culte de la personnalité à des dirigeants et dirigeantes autoritaires ou même à de la propagande.
John F. Kennedy exemplifie le culte de la personnalité. Le politicien a pu entretenir son image, entre autres, grâce à son âge, qui faisait de lui une anomalie en politique. Au début de l’ère de la télévision, l’ancien président américain, sa belle femme et ses jeunes enfants étaient l’image même de la parfaite famille américaine. Facile de les admirer !
Plus récemment, Barack Obama se présentait comme un président à l'affût des tendances culturelles et s’y mêlait volontairement. Il a notamment été le premier président à participer à un Late Night Show. Cette image de président « cool » lui a certainement permis de gagner le vote d’un bon nombre de jeunes qui avaient l’impression qu’Obama partageait leurs passions et, par conséquent, leurs valeurs.
Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Juger un politicien ou une politicienne par sa capacité à se tailler une place dans la culture populaire, c’est comme juger un soldat ou une soldate par son aptitude à cuisiner. C’est certes un outil, mais qui ne prouve absolument rien des réelles compétences d’un politicien ou d’une politicienne et de son habileté à bien faire son travail.
Trump et Harris, roi et reine du mème
TikTok est une plateforme de prédilection pour le divertissement et pour entraîner l’auditoire dans le concept du culte de la personnalité. En effet, la personnification de Kamala Harris et de Donald Trump sur la plateforme se veut plus légère et amusante pour démontrer qu’il et elle sont, aussi, de vrai(e)s humains et humaines qui se rapprochent de l’électorat.
L’effet de proximité créé entre les internautes et le candidat et/ou la candidate peut être positif, mais il est primordial que la population aille plus loin pour s'informer afin de faire son choix de vote. Que Mme Harris et M. Trump soient vu(e)s au même titre que n’importe quelle autre célébrité sur le web est inquiétant. On parle ici de la gouvernance d’une superpuissance mondiale, on ne peut pas se baser sur des blagues pour choisir le futur président ou la future présidente des États-Unis.
Kamala IS brat
En juillet dernier, la chanteuse anglaise Charli XCX a écrit sur X que Kamala Harris est « brat », entraînant un engouement autour de la candidate démocrate. Son équipe a profité de cette sorte de glorification de Mme Harris pour en faire, en quelque sorte, sa marque de commerce. Ses réseaux sociaux affichaient alors une bannière vert lime à l’effigie de l’album Brat de Charli XCX.
Le fait de miser sur des tendances médiatiques et sur le culte de la personnalité pour gagner l’électorat américain est problématique, puisque cela détourne le regard de la population des vrais enjeux. En tournant l’attention sur le rire de Kamala Harris ou sur le travail d’un jour de Donald Trump dans un McDonald’s, on perd de vue les propositions de chacun des partis et le « sérieux » de la sphère politique.
On pourrait donc leur lancer : « do you think you just fell out of a coconut tree? »
Crédit photo : Darren Halstead