À la dysphorie de genre et les remises en question qui affligent les jeunes athlètes trans s’ajoute la haine à leur égard véhiculée par les internautes. Cet enjeu met en évidence la nécessité de réglementer et de standardiser leur participation dans le but de rendre le milieu sportif plus équitable.
Le genre des athlètes est un enjeu récurrent dans les médias, mais surtout sur les réseaux sociaux. Les athlètes trans professionnel(le)s et semi-professionnel(le)s ont fait l’objet de vagues de haine au cours des dernières années. Protégé(e)s par l’anonymat et la distance que procurent les écrans, monsieur et madame Tout-le-Monde n’hésitent pas à crier sur tous les toits leur opinion.
L’enjeu prend toutefois une autre tournure lorsqu’il vise des mineurs et mineures. Aayden Gallagher, étudiante de 10e année, l’équivalent du secondaire 4, a gagné en mai dernier l’or au 200 mètres et l’argent au 400 mètres lors d'un championnat d’État en athlétisme dans l’Oregon.
L’adolescente trans, en plus d’être huée par la foule, a été attaquée sur les réseaux sociaux. Sur X, certains internautes l’ont désignée de « garçon », ignorant ses pronoms choisis. D’autres ont qualifié sa victoire de « moquerie » et l'ont traitée de « tricheur ».
Une communauté vulnérable
Les jeunes trans sont cinq fois plus susceptibles d’envisager le suicide et 7,6 fois plus de le tenter, selon une étude du Canadian Medical Association Journal. Ce constat est partagé par d’autres corps scientifiques.
L’adolescence, un passage difficile, devient encore plus complexe pour ces jeunes en proie à la dysphorie de genre. Dans une société où la diversité sexuelle n’est pas encore totalement acceptée - et encore moins la transidentité - ces jeunes doivent affronter le doute et la peur d’être rejeté(e)s par leur entourage.
La pratique du sport apporte des bénéfices considérables pour les jeunes trans. En plus de les aider à maintenir une bonne santé mentale, le sport leur permet de créer un sens de communauté et réduit le sentiment d’isolement lié au fait d’être perçu(e) comme différent(e). Ces jeunes devraient être encouragé(e)s dans leur parcours sportif, et non l’inverse.
Déloyal, ce jeu
La surmédiatisation autour de la transidentité multiplie et exacerbe les défis auxquels ces jeunes sont constamment confronté(e)s. Des inconnus et inconnues, et surtout, des adultes, se permettent de débattre sur le droit d’existence d’une personne mineure. Ils et elles les réduisent à des sujets de débats.
Cette déshumanisation permet aux internautes, de manière consciente ou non, d’oublier que c’est la vie d’enfants vulnérables qui est en jeu. Ces jeunes deviennent les boucs émissaires de la peur et de la haine d’inconnus et inconnues, qui projettent leurs frustrations sur des enfants, plutôt que sur les institutions qui négligent d’établir une réglementation standardisée.
La nécessité de réglementations standardisées
Sur le long terme, ce sont des réglementations standardisées qui feront réellement la différence et rendront le terrain de jeu équitable. Elles permettront de s’attaquer à la racine du problème : le sentiment d’injustice des athlètes cis et l’instabilité de l’avenir des athlètes trans dans le sport selon le niveau de compétition.
La mise en place de réglementations est donc nécessaire dans toutes les institutions sportives, suivie d’une standardisation entre les niveaux semi-professionnels et professionnels, tout en considérant le sport dont il est question.
Un exemple imparfait
La World Athletics, la fédération sportive internationale qui régie les fédérations nationales d’athlétisme, s’est munie de réglementations quant aux athlètes trans. Elle a décidé que les femmes trans qui veulent concourir dans les compétitions féminines doivent notamment avoir effectué leur transition avant leur puberté et avoir maintenu « un taux de testostérone sérique en deçà de 2,5 nmol/L ». Toutefois, les hommes transgenres n’ont pas ce genre de critères à respecter, leur réglementation étant moins stricte. C’est le cas pour la plupart des règlements régissant la participation d’athlètes transgenre dans des milieux sportifs professionnels et semi-professionnels.
Une standardisation dans tous les sports ne sera toutefois possible que lorsque davantage d’études sur les transitions de genre et leurs réels effets sur les capacités physiques seront effectuées, la communauté scientifique étant encore dans le brouillard à ce sujet.
Ces mesures sont présentement imparfaites, comme le cas de World Athletics. Toutefois, il est primordial d’investir dans des recherches ou des discussions qui permettront d’établir des standards afin de répondre aux préoccupations des athlètes transgenres comme cisgenres. Ils permettront aussi de montrer un front uni et d’éviter les vagues de haine, comme celle vécue par Aayden Gallagher.
Crédit photo : Christian Lue