Le barrage de la Renaissance, situé en Éthiopie, avec sa capacité énergétique de plus de 6000 mégawatts, est source de tensions avec l’Égypte et le Soudan qui craignent pour leur approvisionnement en eau potable. Aux termes de négociations entre les trois pays, les États tendent vers la coopération, mais la situation reste précaire.
« L’Éthiopie a le droit d’axer son développement sur la ressource en eau tout comme les pays en aval », estime le professeur associé au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal, Mustapha Kebiche. Selon lui, la résolution du problème « passe inévitablement par le dialogue ».
En plein développement économique et démographique, l’Éthiopie a commencé en 2013 la construction du plus grand barrage du continent. Une fois le projet complètement opérationnel, le pays pourrait devenir l’un des plus gros exportateurs d’électricité en Afrique.
Situé sur le Nil bleu près de la frontière soudanaise, il devrait fournir une source fiable d’électricité à des millions d’habitants. Le fleuve trouve sa source au lac Tana en Éthiopie et coule vers le nord en traversant le Soudan puis l’Égypte. À la suite d’une entente de principe signée en 2015 entre Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba, les trois parties ont conclu que le remplissage du barrage, débuté à l'été 2020, se fera sur cinq ans.
Si l’Éthiopie accélère le débit de remplissage de son réservoir, cela risque de causer de graves sécheresses dans les deux pays en aval.
Un début de consensus
Dans un communiqué publié en juillet dernier, l’Éthiopie a confirmé avoir atteint le premier niveau de remplissage prévu, ce qui permettrait la production d’électricité dès 2021.
« Les communications interétatiques entre les trois états sont considérables. Surtout depuis juin, où il y a de fortes activités diplomatiques », remarque le chargé de cours au département de sciences juridiques à l’Université de Montréal, François Xavier Saluden. Il souligne que les trois pays sont davantage sur le terrain de la coopération plutôt que de la confrontation.
L’Éthiopie s’est engagée à vendre de l’électricité bon marché aux deux autres États. L’offre semble particulièrement attrayante pour le Soudan qui peine à développer de nouvelles sources d’énergie. « Le Soudan va être beaucoup plus sur le ton de la conciliation avec l’Éthiopie », croit M. Saluden.
Une convention en vigueur
La Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, signée à New York en 1997, encadre l’exploitation de barrages interfrontaliers afin d’éviter qu’un pays ne se développe au détriment d’un autre.
Le professeur titulaire au département de géographie de l’Université Laval, Frédéric Lasserre, explique que partager un cours d’eau nécessite l’application de deux principes : « le premier, c’est le partage équitable, c’est-à-dire qu’on partage la ressource pour l’ensemble des pays. L’autre grand principe est qu’il ne faut pas causer de dommage significatif aux voisins ».
« C’est aux pays de s’accorder sur ce qui constitue un dommage significatif », ajoute M. Lasserre, puisque la Convention ne définit pas le terme.
Il reste à savoir comment vont réagir les trois pays quand les pluies seront insuffisantes. Dans une région du monde déjà vulnérable aux sécheresses, le phénomène risque de s’accentuer à cause des changements climatiques.
Illustration par Augustin de Baudinière