Le 16 février 2023, l’Espagne est le premier pays européen à adopter un projet de loi accordant un arrêt de travail payé financé par l’État aux femmes souffrant de règles douloureuses. Pour l’ensemble de l’année 2023, sur 8,8 millions de demandes, 1 418 ont été accordées.
Un an après l’implantation du congé menstruel payé, seulement 0,016 % des femmes espagnoles l’ayant demandé y ont eu accès.
Les femmes concernées doivent avoir un diagnostic médical de règles incapacitantes, soit qui provoquent de fortes crampes, de la nausée, des vomissements ou des malaises. Cette loi, qui leur donne accès à trois à cinq jours de congés menstruels payés par mois, sert d’initiative visant à combattre les mythes et les discriminations asphyxiant la vie des femmes menstruées.
Au-delà des réformes politiques et économiques, bien que cruciales, une réforme des mentalités s’impose.
Déstigmatiser les règles
Les menstruations ont souvent suscité un malaise, ce n’était d’ailleurs pas un hasard si nos grands-mères étaient considérées comme « indisposées » ou « dans leurs mauvais jours ». Il fallait se cacher à tout prix, car les règles rendaient le corps impur et l’entourage inconfortable.
Il n’est pas honteux de saigner en se coupant le doigt, mais lorsque le sang coule de notre vagin, c’est une catastrophe. Nos règles sont vulgarisées, nous sommes sales.
Cette conception de la femme menstruée a forgé nos institutions, notamment en privant les jeunes femmes d’éducation menstruelle adéquate. On nous traumatise à l’idée de mourir du syndrome du choc toxique si on garde notre tampon pendant plus de sept heures, mais on manque de nous éduquer sur la différence entre une infection vaginale et une infection à levure.
L’éducation à la santé féminine ne se limite pas à apprendre à utiliser un tampon ou une serviette hygiénique. Elle suffira lorsque les filles et les garçons de neuf ans connaîtront l'existence des pertes vaginales, des kystes sur les ovaires et de l’endométriose.
Incomprise et menstruée
Le « gaslighting » médical est un phénomène omniprésent dans notre société, surtout chez les femmes et les groupes minoritaires. Pourtant, personne ne s’y attarde et les études ne suivent pas l’ampleur de cette problématique.
On croit que les médecins détiennent la réponse à toutes les questions. Pourtant, ils n’ont souvent rien d’autre à nous dire, lorsqu’on leur demande pourquoi on saigne autant, que « c’est la vie ». Vont-ils nous laisser autant souffrir avant de diagnostiquer l’endométriose ? Probablement.
C’est presque comme si notre système médical n'était pas adapté pour offrir des soins de santé au corps féminin…
Même si tous les pays du monde incorporent le congé menstruel payé, rien ne changera tant que les répercussions des menstruations ne seront pas prises au sérieux.
Il serait pertinent de suivre les petits pas de l’Espagne et d’introduire un congé de maladie pour aider à réduire le stress, à améliorer la santé mentale des femmes et à lutter contre la stigmatisation menstruelle. Mais avant tout, nous avons des idéologies à déconstruire.
On est à la base de la vie. On le mérite.
Photo: Domaine Public