Un melon d’eau. Un simple melon d’eau sur une toile. Les employé(e)s d’un musée américain souhaitaient retirer l’œuvre d’une exposition pour la seule et unique raison que le fruit soit devenu un symbole de résistance du peuple palestinien. Nous en sommes rendus là.
Le cas du melon d’eau a été rapporté par un directeur de musée dans le cadre d’une étude de PEN America publiée en janvier dernier. Celle-ci fait état de la censure dans les musées d’art américains et, plus précisément, des pressions auxquelles font face les directions de ces établissements.
Les chiffres sont choquants: 18 % des directeurs et directrices de musée interrogé(e)s disent qu’ils et elles recevraient des plaintes si le musée exposait des œuvres d’artistes palestinien(ne)s. Dans quel monde vit-on pour que l’art soit censuré en fonction de l’origine ou des valeurs de son concepteur ou de sa conceptrice?
Symbole de résistance
Ça sonne peut-être ridicule, mais est-ce qu’un melon d’eau est vraiment si dérangeant que ça? Il est lié à la cause palestinienne, certes, mais il est, à notre avis, loin d’être une représentation de l’antisémitisme, comme plusieurs se l’imaginent. Pour cette simple raison, on se permettrait de censurer une œuvre?
En réalité, les perceptions de chaque individu lui sont personnelles et la responsabilité de choisir ce qui devrait être censuré ou non n’est pas propre aux directions de musées. Le retrait d’une œuvre ne devrait donc se produire dans aucun cas, surtout si la seule justification derrière ce retrait est la peur d’offenser des donateurs ou des donatrices et des visiteurs ou visiteuses de la communauté juive.
Heureusement, le directeur du musée en question s’est interposé et l'œuvre affichant un melon d’eau a été exposée. On l’a échappé belle!
Une Palestinienne censurée
L’art n’échappe malheureusement pas toujours à la censure. En février 2024 devait être inaugurée la première exposition en sol américain de l’artiste palestinienne Samia Halaby. Il aura fallu trois ans pour recueillir toutes les œuvres qui seraient présentées par l’artiste au musée d’art de l’Université de l’Indiana… Pour que l’exposition soit finalement annulée à la dernière minute.
Pourquoi? Pour « des questions de sécurité », selon l’institution muséale, faisant fort probablement référence au conflit israélo-palestinien en cours. Des questions de sécurité ou une volonté de muselage?
Une pétition a récolté des milliers de signatures en appui à Samia Halaby: il faut croire que nous ne sommes pas les seules à crier à l’injustice.
Pourtant, d’autres artistes réellement problématiques n’ont jamais été censurés. Quand Pablo Picasso maltraitait des femmes en les heurtant autant physiquement que psychologiquement, personne n’a sourcillé. Quand Salvador Dali déclarait souhaiter l'asservissement « de toutes les races de couleur » par les Blanc(he)s, le monde du surréalisme a été choqué, mais, à ce jour, des tonnes de visiteurs font toujours la file pour aller voir La persistance du temps au Museum of Modern Arts (MoMA).
Si nous sommes en mesure de consciemment séparer l’art de l’artiste, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire pour les artistes propalestinien(ne)s?
Photo: M0tty