Dans la principale région productrice de pétrole de l'Afrique de l'Ouest et l'une des plus pauvres du Nigéria, les femmes œuvrant dans le secteur essentiel de l’alimentation ont récemment vu leur rôle socio-économique être renforcé et d’autant plus reconnu par les membres de leur communauté.
Si la pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité économique collective, elle a d'autant plus exacerbé les disparités sur le plan du genre. Au cœur du Delta du Niger, où les habitantes et habitants sont victimes depuis des décennies des conséquences sociales et environnementales de l'économie pétrolière, de nouveaux rapports de genre sont façonnés.
En Afrique de l'Ouest, l'insécurité alimentaire émerge comme l'une des conséquences notables de la pandémie. Puisque l'approvisionnement alimentaire familial de cette région nigériane est presque entièrement assuré par les femmes, celles-ci ont pu conserver leur travail dans le secteur alimentaire. En revanche, face aux impacts socio-économiques qui frappent de plein fouet le secteur pétrolier, grandement dominé par les hommes, près de la moitié de ces Nigérians ont perdu leur emploi, ébranlant du même coup leur statut de principaux pourvoyeurs de la famille.
« En mettant la solidarité et la résilience des femmes ensemble, on leur donne le pouvoir de tout faire, et c'est ce que la pandémie nous apprend. » - Angélique Kidjo
Au-devant des crises alimentaires
Consultées par les leaders locaux pour assister leur communauté, les femmes ont été reconnues comme des agentes jouant un rôle crucial dans le maintien de la sécurité alimentaire en ce temps de crise. Ce rôle n'est toutefois pas nouveau : historiquement, les femmes se trouvent au premier rang dans la résolution des crises alimentaires en Afrique de l'Ouest. Elles sont à la fois responsables de l'alimentation des familles et constituent une part considérable de la force de travail agricole. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'en Afrique, environ 70% de la nourriture est produite par les femmes.
Pourtant, malgré leur contribution majeure au maintien de l'équilibre de la collectivité, les femmes sont traditionnellement exclues des espaces de prise de décision en Afrique de l'Ouest et n'ont pas accès aux mêmes ressources socio-économiques dont profitent les hommes en période de crise. Force est de constater qu'en règle générale, celles-ci n'arrivent pas à participer activement aux processus de gestion de crise et à véritablement faire entendre leur voix.
Un progrès à consolider
Comme observé dans le Delta du Niger, c'est néanmoins cette capacité historique des femmes à œuvrer dans le secteur alimentaire qui leur permet de susciter une plus grande implication dans la gouvernance locale de leurs communautés. Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, soutient que les femmes créent des opportunités pour tout le monde en étant au premier plan dans les communautés rurales. « Les femmes sont les piliers de notre société, elles en sont les régulatrices et il ne peut y avoir de paix et de développement sans elles », a-t-il affirmé lors d’un webinaire en l’honneur de la journée internationale des droits des femmes.
À travers ce récent gage de leadership accordé aux femmes, c'est leur détermination qui est ainsi mise en lumière. « En mettant la solidarité et la résilience des femmes ensemble, on leur donne le pouvoir de tout faire, et c'est ce que la pandémie nous apprend », estime Angélique Kidjo, chanteuse ouest-africaine qui défend la capacité des femmes à être des actrices du changement sur le terrain.
Manifestement, le cas du Delta du Niger ne doit pas être isolé. La position empreinte de caractère dont font preuve les femmes nigérianes semble être annonciatrice d'un véritable changement de paradigme basé sur une reconnaissance désormais incontestable et un renforcement nécessaire de la place des femmes dans la société ouest-africaine.
Photo: Jasmin Lavoie