L’an dernier, une partie de notre gauche québécoise s’est réjouie de la victoire in extremis du marxiste autoproclamé Pedro Castillo contre la candidate d’extrême droite Keiko Fujimori lors de la présidentielle au Pérou. Une célébration quand on prend le temps de la disséquer.
Castillo, marxiste et autochtone, était a priori un allié intéressant pour notre gauche québécoise, fièrement altermondialiste. Mais Castillo est aussi un conservateur social assumé, comme une grande partie de la population péruvienne et, dans une ère de déconstruction des conventions sexuelles et de genre, nous ne nous attendions pas à voir nos progressistes jubiler devant la victoire d’un politicien aussi farouchement opposé au mariage homosexuel… et à l’avortement, et à la peine de mort!
C’est comme si le monde entier n'avait pas été capable de s’entendre sur une seule dualité politique universelle. La gauche péruvienne n’est manifestement pas la sœur ou la cousine de notre gauche ; ce qui est normal parce que le Pérou et le Québec, c’est biiiiien différent. On devrait donc prendre le temps de bien soulever ces différences-là et de comprendre que Jagmeet et Pedro ne jouent pas dans la même équipe.
(Le jour même où a été publié cet article, Pedro Castillo a dissout le Parlement du Pérou, quelques instants avant que celui-ci vote sa destitution, dans une démarche qui s’apparente à un auto-coup d’État ; une mesure que nos partis de gauche ne supportent certainement pas.)
Un autre exemple? En France, le Rassemblement national (anciennement Front national), dirigé pendant des années et jusqu’à tout récemment par Marine Le Pen, est largement considéré comme un parti d’extrême droite. Faisons donc un cours accéléré de sa politique économique : les deux tiers de ses propositions économiques sont des mesures de redistribution et de protection sociale, le parti propose la gratuité des transports pour plusieurs, notamment pour les jeunes, et souhaite s’attaquer aux salaires trop bas. Imaginez, 66% de membres d’un parti d’extrême droite se disent d’accord avec l’idée de prendre aux riches pour donner aux pauvres (pour le lien d’article, c’est ici) ! Certes, les idées du Rassemblement national sont à l’extrême de la droite sur la question de l’immigration. Mais économiquement, on est beaucoup plus près de la taxe orange que du président orange.
Plus encore? Au Vermont, pourtant connu comme un État démocrate, bleu foncé comme une baleine, le gouverneur républicain Phil Scott a facilement été réélu lors des élections de mi-mandat. Bien que sa tradition politique soit « de droite », il est pro-avortement, pro-mariage homosexuel et s’opposait aux politiques d’immigration de Trump. Ben coudonc! C’est peut-être un peu plus nuancé qu’on pense…
Parce que oui, c’est beaucoup plus facile de conceptualiser toute la politique mondiale comme deux blocs aussi monolithiques que Stonehenge. Oui, ça fonctionne dans un nombre non négligeable de cas. Mais pas tout le temps…
Photo: Lucas Jallot