Chères lectrices, chers lecteurs,
Voilà que touche à sa fin notre mandat de rédaction en chef de ce présent magazine. D’un côté, nous admirons tout le temps que nous avons investi dans ce média aux fondations si solides : d’innombrables heures meublées à la fois par le syndrome de l'imposteur et la fierté palpable d’accorder une place méritée à l’information internationale au sein de la communauté uqamienne. De l’autre, nous nous demandons ce qu’il restera de notre passage à L’Apostrophe. Bientôt, nous passerons le flambeau à une prochaine équipe, qui pourra à son tour relever les défis qui incombent à l’actualité internationale.
Comment traiter les sujets avec la sensibilité qui leur est due? Comment trouver une juste balance entre annoncer les bonnes nouvelles et dénoncer les injustices, entre aller à la rencontre des populations oubliées et de celles qui ont déjà assez ressassé leur souffrance?
Pour cette toute dernière édition, nous avons souhaité nous inspirer des réflexions qui nous ont si dûment habitées. Subduction : « glissement d'une plaque [tectonique] sous une plaque adjacente avançant en sens opposé », peut-on lire dans Le Robert.
Victimes d’une éclipse médiatique, tout comme la plaque se trouvant enfouie sous une autre, les enjeux qui ne sont pas relevés par le journalisme international restent invisibles pour la population. De là l’importance de le financer adéquatement; malheureusement, il n’a pas cessé de subir des coupes substantielles dans de nombreux médias et a dû faire des choix déchirants, mais nuisant à son image, loin d’être aussi immaculée qu’elle ne l’a déjà été.
Les nouvelles plus frappantes, souvent celles diffusant la voix des plus dominants, fracassent les frontispices, dressant leur ascendant sur la toile médiatique au détriment des nouvelles que certains et certaines disent avoir déjà assez entendues, à tort. Les populations concernées par les nouvelles victimes d’une éclipse médiatique se retrouvent laissées pour compte, devant un raz-de-marée politique, social, économique… sans le soutien de la communauté internationale, qui se voile parfois les yeux face à la violence du monde.
Et si nous racontions les histoires pour leur importance, dans toutes leurs pluralités, aussi petites soient-elles? Peut-être que le journalisme international retrouverait ses lettres de noblesse; la société pourrait alors y poser un regard plus authentique et se défaire de ses préjugés.
La guerre en Ukraine a rappelé l’importance du journalisme international. L’invasion s’est enclenchée la veille du lancement de notre édition Résistance, le 24 février dernier. Évidemment, nous n’aurions pas pu prévoir la date exacte de l’événement qui a secoué le monde entier, mais le thème était des plus pertinents lorsqu’il a été dévoilé.
Au moment où les rideaux s’ouvrent sur l’édition Subduction, nous espérons, humblement et sincèrement, que la réflexion qui l’a construite suscite une prise de conscience quant à la fragilité du luxe ô combien nécessaire d’avoir accès à du journalisme juste et libre. La propagande est une forme de subduction; l’ignorance aussi.
Malgré les nuages gris tels que la guerre et la maladie, nous croyons que tant que nous luttons pour le droit à l’information, le ciel pourra s’éclaircir. L’actualité ne s’arrête à aucune frontière; continuons à écouter les voix qui semblent trop loin, et peut-être un jour pourra-t-on les comprendre.
À très bientôt,
Anaïs Desjardins et Ariane Dupuis, co-rédactrices en chef, et toute l’équipe de L’Apostrophe
Illustration de Jen Lynch (@jlync.h)