Deuxième puissance économique mondiale, la Chine, ne se considère pas comme développée. Le statut de pays en développement lui permet de jouir de plusieurs avantages au sein des organisations internationales, mais la légitimité de ce titre est remise en question.
« La Chine est dans une situation de jeu à double vitesse: elle peut jouer à la fois la carte de la grande puissance mondiale dont dépendent plusieurs pays sur les plans économique et militaire, tout en maintenant le statut de pays en voie de développement », illustre la professeure adjointe au département de science politique à l’Université de Montréal Marie-Ève Reny.
Un développement partagé
Selon le professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal Éric Mottet, « la Chine, intrinsèquement, demeure malgré tout un pays en développement ».
Le niveau de développement par habitant reste inférieur à la moyenne mondiale. « Il est vrai que le PIB total de la Chine en fait la deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis, mais si l’on rapporte tout ça à la population, le pays est sous la moyenne mondiale », ajoute-t-il, alors que la Chine se classe au 86e rang mondial en ce qui concerne le PIB par habitant.
Le progrès est inégal, laissant apparaître un fossé urbain-rural. Le taux d’urbanisation sur le territoire chinois s’élève à 58%, alors que ce taux est de l’ordre de 80% dans les pays développés. Dans les faits, « les citoyens ruraux peuvent parfois gagner jusqu’à trois fois moins que les citoyens urbains », soulève M. Mottet.
« Il semble y avoir un décalage entre la résilience de ce statut et la place que la Chine occupe actuellement dans l'économie mondiale, fait remarquer Marie-Ève Reny. Mais ces réserves semblent fondées sur l'image que la Chine projette d'elle-même sur la scène internationale plutôt que sur des facteurs intérieurs. »
Un statut avantageux
En tant que pays en développement, la Chine bénéficie d'un certain nombre d'avantages. « Le pays serait protégé d'éventuelles barrières tarifaires à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en plus de bénéficier de prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international », explique Mme Reny.
Le statut de pays « en développement » est attribué à la Chine depuis 2001. À L’OMC, il n'existe pourtant pas de définition d’un pays « développé » et d’un pays « en développement ». Selon les règles, les membres annoncent eux-mêmes de quelle classe ils font partie. Cependant, les autres membres pourraient contester la décision d’une nation qui voudrait recourir aux dispositions prévues en faveur des pays en développement.
C’est le cas notamment des États-Unis, dont l’administration demande le retrait de ce statut à l’empire du Milieu depuis longtemps. En février dernier, le bureau du représentant au Commerce américain a annoncé le retrait de plusieurs pays, dont la Chine, de la liste des États « en développement » des États-Unis, considérant ces pays comme « développés » en matière de commerce international.
Aux yeux d’Éric Mottet, il s’agirait là d’une mesure de pression de la part du gouvernement américain, qui a tout intérêt à se montrer autoritaire envers la Chine en temps de campagne présidentielle.
Photo par Benjamin Richer