Le 24 octobre dernier, la CPI a blâmé la Mongolie pour son inaction lors de la visite du président russe, Vladimir Poutine, en septembre dernier, alors qu’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre pèse contre lui.
Sans pouvoir légal de contrainte, la CPI est limitée lorsqu’il s’agit de punir des dirigeants et dirigeantes en fonction, car ils et elles détiennent une immunité absolue. Dans le cas de Vladimir Poutine, l’incapacité de la Mongolie à exécuter le mandat d’arrêt dévoile cette faiblesse juridique.
« Poutine bénéficie d’une immunité absolue, parce que c’est un chef d’État en exercice, ce qui veut dire [qu’il possède] une immunité de poursuite dans tous les États du monde, y compris le Canada, et ce, même s’il est accusé de crimes de guerre », explique Fannie Lafontaine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux de l’Université Laval.
Le mandat d’arrêt émis contre Poutine démontre que la CPI désire multiplier les efforts pour renforcer la justice internationale, selon Fannie Lafontaine. « La seule chose qui peut être faite, c’est de continuer à mettre de la pression sur les États qui font partie de la CPI », souligne-t-elle.
Les 124 États signataires du Statut de Rome, incluant la Mongolie, se sont engagés à défendre les principes de la justice internationale et à sanctionner les violations de ces droits, comme le génocide. La CPI dépend de la coopération des gouvernements pour l’arrestation de figures politiques de haut rang, comme Vladimir Poutine. La Russie ne fait pas partie des États signataires et n’a pas besoin de se plier aux réglementations de la CPI.
Depuis sa création en 2002, la CPI a seulement enquêté sur des crimes commis en Afrique, ce qui a contribué à mettre à l’épreuve sa crédibilité. Une justice « sélective », selon Fannie Lafontaine.
En date du 1er novembre, 15 mandats d'arrêt de la CPI demeurent inexécutés, certains remontant jusqu’à 2005.
Une réalité géopolitique délicate
Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, la Mongolie doit adapter sa position diplomatique pour éviter toute provocation avec son voisin autoritaire.
Dans un discours prononcé aux Nations Unies en 2022, le président mongolien Ukhnaagiin Khürelsükh encourage les nations du monde « à privilégier le dialogue diplomatique plutôt que la confrontation », sans toutefois évoquer la Russie. « Il s'engage sur des principes tels que la résolution pacifique des conflits, ce qui polarise la relation de la Mongolie avec un pays comme la Russie », mentionne Julian Dierkes, professeur associé au programme sur l’Asie intérieure de l’Université de Colombie-Britannique.
La dépendance énergétique du pays des steppes envers Moscou complique sa position. En 2022, la Mongolie dépendait de la Russie pour plus de 29% de ses importations en gaz naturel. « En hiver, quand il fait -40°C, dépendre de la Russie pour l’énergie devient une question de sécurité », souligne Julian Dierkes.
« Ce qui va faire changer les choses, c’est la capacité de la CPI à agir dans des contextes politiquement chargés où les responsables présumés sont alliés d’États puissants. Un test pour l’avenir de la CPI », souligne Fannie Lafontaine.
Crédit photo : Altai Baatarkhuu