Près de la moitié des Roumains, soit 48%, estiment que leurs conditions de vie étaient meilleures sous le régime communiste que sous la République démocratique actuelle. En parallèle, la droite populiste augmente dans les intentions de vote pour l’élection présidentielle.
2024 est une année d’élection présidentielle en Roumanie et un parti de droite populiste, l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), monte graduellement dans les intentions de vote avec son chef George Simion. L’AUR s'affiche comme nationaliste, eurosceptique, en faveur de l’économie de marché et appuie la Russie.
Comment expliquer qu’un tel parti puisse monter dans les sondages au moment où l’on constate un phénomène de nostalgie communiste en Roumanie? « Ce phénomène n’est pas propre à la Roumanie, il est présent un peu partout en Europe », explique Marie-Hélène Dufays, journaliste indépendante d’origine roumaine. « Il y a toujours eu un nationalisme très fort en Roumanie que l’on enseigne dans les programmes d’histoire ».
« Ces partis populistes veulent combattre la corruption dans le pays et utilisent la frustration économique présente dans le pays », décrit Alexandra Iancu, professeure de science politique à l’Université de Bucarest et spécialiste de la politique roumaine. L’électorat de l’AUR est formé d’employés et d’employées à bas salaire qui sont délaissées par le déclassement économique de la Roumanie, explique l’experte.
L’AUR appuie les entreprises privées et le libre marché. Selon Mme Iancu, le parti est à 13% dans les intentions de vote pour l’élection présidentielle, ce qui est loin de lui donner les rênes du pouvoir, mais assez pour lui permettre de former un éventuel gouvernement de coalition.
Une nostalgie pour fuir le présent
La Roumanie a vécu sous un régime communiste de 1947 à 1989. Les droits individuels tels que la liberté d’expression, la liberté de circulation ou encore le droit de manifester étaient inexistants. « Mes parents manquaient de tout. Il y avait des coupures d'électricité chaque jour. Ma mère faisait même ses devoirs à la bougie », confie Mme Dufays. Durant les années 1980, les gens devaient faire la file pour acheter de la nourriture et l’économie était contrôlée par l’État.
« Chez les personnes âgées, on se remémore certains aspects positifs du communisme, dont la sécurité d’emploi, les loyers pour tous, la gratuité du système de santé et de l’éducation », explique Mme Iancu.
Une dictature répressive sous Ceaușescu
L’homme fort du régime, le président Nicolae Ceaușescu, a dirigé le pays d’une main de fer de 1965 jusqu’à son exécution en 1989, lorsque son gouvernement a été renversé par les forces révolutionnaires. Le culte de sa personnalité rivalisait avec celui de Joseph Staline en Union soviétique à cette époque. Il avait également créé une police politique, la Securitate, qui surveillait la population en permanence.
« Lorsqu’on parle de nostalgie communiste, cela ne concerne pas Nicolae Ceaușescu. On parle plutôt d’aspects du régime que de personnalités politiques ou de périodes précises », décrit la professeure Iancu.
À la suite de la révolution de 1989, la Roumanie est devenue une démocratie avec une économie de marché capitaliste. Les Roumains et Roumaines ont acquis les libertés civiles individuelles. Cependant, la Roumanie fait partie des pays les plus pauvres d’Europe et la corruption est toujours présente.
« Avec la disparité de richesse et l’effritement de la classe moyenne, des individus pourraient être portés à envier certains aspects du communisme », ajoute Mme Iancu.
Illustration : Lilou Ann Santos