« La détresse des Haïtiens est épouvantable et on doit les aider autant qu’on le peut, mais les Haïtiens ont eux aussi leurs propres responsabilités », affirme l’ancien ambassadeur du Canada en Haïti, Gilles Rivard.
« Les Haïtiens [et Haïtiennes] doivent mettre sur pied une feuille de route », explique M. Rivard. Il serait difficile d’aider Haïti sans savoir ce dont le peuple a besoin et quand il en a besoin. « Il faut vraiment, vraiment, vraiment s’assurer d’appliquer un processus démocratique », insiste-t-il.
Selon lui, il est important d’élire des représentants pour les différents groupes d’influence, la société civile et les gens du secteur privé pour « s’assurer que la négociation soit faite en bonne et due forme. » Autrement dit, tous ces groupes doivent être représentés, lors de décisions politiques.
« Considérant le climat actuel, je dirais que c'est difficile, parce que nos représentants au niveau de l’État ne manifestent pas d’intérêt aux revendications collectives. », soutient Euzebe Roudy, habitant du Cap-Haïtien, deuxième ville la plus importante du pays.
« Ça prend un président, ça prend des institutions fonctionnelles, si on veut qu’il se passe quelque chose. » affirme M. Rivard
M. Roudy a une vision comparable: « C’est le temps de changer l’ensemble du gouvernement, pour [y] mettre des hommes et des femmes qui voient d’abord le pays. »
Situation anxiogène
La République d’Haïti est plongée dans une importante crise humanitaire. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, la situation politique s’est considérablement dégradée.
Cette instabilité politique a engendré une crise de sécurité. Au mois d’octobre 2022, les bandes criminelles contrôlent jusqu’à 60 % de la capitale Port-au-Prince. Celles-ci bloquent le port et rendent l’accès à l’eau difficile.
Pour les Haïtiens et Haïtiennes, la situation est anxiogène : « on redoute toujours l'attaque d’une personne armée : soit à la maison, soit en circulant à travers les rues pour s'occuper de ses affaires personnelles. », raconte M. Roudy.
La population est aussi touchée par une importante insécurité alimentaire. Beaucoup doivent se contenter d’un seul repas par jour, constitué d’aliments de mauvaise qualité.
Appuyer, former et reformer
« Envoyer des forces de sécurité pour essayer de ramener un peu de sécurité en Haïti, c’est comme mettre un pansement sur un bobo qui ne guérit pas », s’exclame Gilles Rivard.
Il est d’avis qu’appuyer, former et reformer la Police Nationale d’Haïti sera plus efficace à long terme.
Depuis fin octobre, le Canada mène d’ailleurs une mission de reconnaissance en Haïti, dans le but d’évaluer les besoins du pays. La délégation apportera son soutien aux forces de sécurités haïtiennes, afin de les aider à lutter contre les gangs de rue.
Selon Euzebe Roudy, les acteurs internationaux peuvent aider Haïti en l’accompagnant dans la réforme et le développement de son agriculture : « Haïti est un pays essentiellement agricole. Pourtant, 85 % des produits alimentaires viennent de l'extérieur. », souligne-t-il.
Gilles Rivard affirme qu’il n’y a pas de solution idéale à court terme. Il mentionne cependant que le pays a un énorme potentiel économique, notamment grâce à sa grande main-d’œuvre.
Illustration: Camille Enara Pirón