Devant la menace grandissante de l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, des associations paysannes burkinabè et du Sahel, la bande africaine formée des territoires qui longent le Sahara, désirent faire partie intégrante de la solution.
En octobre 2020, un communiqué d’Oxfam sonnait l’alarme. La COVID-19, mais aussi des difficultés structurelles et politiques chroniques, tuaient à petit feu les espoirs d’une souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest. « Au Burkina Faso, le nombre de personnes confrontées à la faim aiguë a doublé en moins de 6 mois, atteignant 3,3 millions de personnes », pouvait-on y lire.
La problématique est multifactorielle et pour le moins complexe à résoudre, mais elle est abordée de front par des associations comme la Confédération paysanne du Faso, dont les travaux tendent vers la souveraineté alimentaire et l’agriculture durable. L’organisation a tenu en décembre dernier des ateliers de concertation dans le but d’influencer les politiques agricoles et alimentaires mises sur pied par le gouvernement – projets qui visent à ce que les membres producteurs soient au premier plan de l’élaboration de ces politiques.
Le délégué général de l’ONG internationale spécialisée en sécurité alimentaire SOS Sahel, Rémi Hémeryck, souligne à grands traits la portée de ces actions. « C’est important que les organisations de production se concertent dans un premier temps pour éviter de rester isolées », détaille-t-il. Celui qui porte aussi le chapeau d’économiste agricole explique que le temps passé à cultiver et récolter diminue la possibilité d’impacts politiques considérables.
« Nous sommes dans une région où, Dieu merci, les associations paysannes se sont vraiment positionnées [politiquement]. » — Sibiri Jean Zoundi, directeur adjoint du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest
Une région mobilisée
Le directeur adjoint du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, une délégation de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Sibiri Jean Zoundi, est reconnaissant envers la détermination des pays du Sahel. « Nous sommes dans une région où, Dieu merci, les associations paysannes se sont vraiment positionnées [politiquement] », se réjouit-il. Le directeur adjoint partage que ces groupes, qui sont « le fer de lance des politiques » selon ses dires, sont lassés de « naviguer au gré des différents gouvernements ». Le Burkina Faso, à ce propos, a été dirigé par de nombreux chefs d’État depuis le début des années 2000.
D’après M. Zoundi, la Concertation régionale de Haut Niveau pour une transhumance transfrontalière en est un exemple probant. La mission, confiée à l’organisation d’éleveurs Réseau Billital Maroobè (RBM) par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, « permet de faire le bilan annuel de la transhumance (la migration périodique du bétail) et règle pas mal de problèmes », assure le directeur adjoint. « C’est géré par une organisation paysanne et ça fonctionne très bien », insiste-t-il, comme pour défaire la croyance d’un manque d’autonomie qu’entretiendraient plusieurs.
Malgré le coup d’État qui a éjecté de son siège le gouvernement burkinabè le 24 janvier dernier, et dont les conséquences pourraient s’avérer désastreuses, Sibiri Jean Zoundi attire l’attention de L’Apostrophe sur la récente déclaration d’un regroupement d’organisations paysannes, dont le RBM, « qui vient d’atterrir dans les bureaux de la CEDEAO [qui coordonne les actions des pays d’Afrique de l’Ouest] ». Le document demande « des stratégies plus ambitieuses pour accompagner [...] la gestion durable de la biodiversité », entre autres. Il constitue une expression concrète du rôle paysan dans la problématique de la faim en Afrique de l’Ouest. Un rôle qui, il est clair, semble bien loin de s’effacer.
Photo: Malika Alaoui