Première productrice de charbon de l’Union européenne (UE), la Pologne est le seul membre à s’opposer à la carboneutralité, mais elle a promis, en septembre dernier, de fermer ses mines d’ici 2049 afin de se tourner vers des énergies plus vertes et moins coûteuses.
Souvent jugée conservatrice, la Pologne semble dorénavant décidée à œuvrer pour le climat. Si ce sujet préoccupait 58% de sa population à l’aube de la COP24, en 2018 à Katowice, 70% des Polonais considèrent désormais les changements climatiques comme « un problème très sérieux », selon un sondage réalisé par la Commission européenne en avril 2019. Il faut dire que les trois quarts de l’électricité du pays proviennent du charbon et qu’en 2018, 33 de ses villes comptaient parmi les 50 plus polluées de l’UE.
En 2015, la Pologne a élu le parti Droit et justice (PiS), une formation conservatrice et eurosceptique de droite. Cette dernière est en partie soutenue par la frange rurale de la population, qui voit les mesures climatiques européennes comme un frein à son développement économique.
En décembre dernier, sa dépendance au charbon a poussé le pays à refuser d'appliquer un accord sur la neutralité carbone d’ici 2050. Les décisions environnementales de l’UE doivent être prises à l’unanimité par ses pays membres pour être mises en place. « En ce sens, [la Pologne] peut essayer d’influencer le processus », explique la professeure en science politique à l’Université du Québec à Montréal, Maya Jegen.
Une énergie contrôlée par le gouvernement
En 1989, le pays met fin au régime communiste et réorganise le secteur de l’énergie en sociétés de marché dans lesquelles l’État détient tout de même des actions. « De cette façon, l’État peut décider. Il l’utilise surtout pour la nomination politique des PDG et des différents directeurs », précise le chercheur en science politique à l’Université d’Oslo, Kacper Szulecki.
En plus d’être polluant, le charbon a cessé d’être rentable. Alors que son prix augmente, celui des crédits d’émission dans le système européen d’échange de quotas d’émission (ETS) flambe. Les mines de charbon ne seront plus économiquement viables d’ici 2040, selon Jakub Bodziony, secrétaire adjoint à la rédaction de la revue politique polonaise Kultura Liberalna.
Un plan de relocalisation douloureux
Cette situation a mené le syndicat des mines et le gouvernement à négocier une sortie du charbon d’ici 2049. Selon M. Szulecki, cette date ne correspond pas à la réalité du secteur. « La seule raison pour laquelle ils ont choisi cette date [...] c’est qu’elle est symboliquement importante pour l’Accord de Paris de 2015 », croit-il.
Cette échéance tardive s’explique également par la pression exercée par les syndicats de mineurs, très puissants politiquement. Or, le nombre d’employés dans ce secteur diminue rapidement à cause des fermetures progressives des sites d’extractions. L’influence de ces corporations s’est donc affaiblie ces dernières années.
Tandis que la fermeture des mines a appauvri certaines régions, le programme de décarbonisation polonais préoccupe les travailleurs et travailleuses. La région silésienne, connue pour son bassin houiller important, peine notamment à imaginer son avenir. Le gouvernement prévoit y développer des parcs solaires et éoliens et, pour remplacer les emplois des industries des combustibles fossiles, envoyer des mineurs et mineuses silésiennes travailler dans des parcs éoliens au bord de la mer Baltique, à 600 km au nord du pays.
Une transition difficile
Compte tenu de sa situation, la Pologne aurait besoin d’une aide financière significative de la part de l’UE pour s’adapter. Pour en bénéficier, elle devra signer l’accord sur la neutralité carbone. Sinon, elle ne touchera que 50% des fonds européens alloués à la transition climatique, estime Jakub Bodziony.
La Pologne se tourne maintenant vers d’autres nations pour diversifier ses sources d’énergie. Elle s'approvisionne en gaz auprès des États-Unis, mais aussi de la Russie, son ennemi historique.
Après l’échec d’un projet de développement nucléaire dans les années 1980, la Pologne veut tenter sa chance à nouveau. La construction étant prévue pour 2022, six partenaires internationaux ont proposé d’installer cette technologie en Pologne.
Les Américains semblent tenir la corde avec Westinghouse, une entreprise de développement et commercialisation de systèmes d'énergie nucléaire pour la production d'énergie électrique. Un accord impliquant la livraison de six réacteurs en 2023, qui avait été conclu avec Donald Trump, est entré en vigueur en mars. Face aux réticences du voisin allemand qui redoute un accident, à l’ampleur du projet et au manque de capitaux financiers, la transition nucléaire s’annonce nébuleuse.
De plus, le manque de vision du gouvernement polonais et sa relation conflictuelle avec l’Europe laissent présager un équilibre énergétique difficilement atteignable dans les années à venir.
Illustration : Camille Cusset