L’époque actuelle est une période éprouvante pour les journalistes. Pendant que certaines entreprises de presse remercient sauvagement leurs employés et mettent la clé dans la porte sans préavis, la pandémie de la COVID-19 a provoqué anxiété et dépression chez ces chiens de garde de la démocratie. Alors que nous sommes à l’aube de notre carrière, est-il possible d’imaginer des temps meilleurs à l’horizon?
Comme la crise climatique le montre, laisser aux institutions en place le soin de régler les problèmes qu’elles ont créés n'est pas une solution. À titre d’exemple, même si le besoin de représentativité dans les médias est criant, cette transformation s’effectue à pas de tortue.
Le poids du changement repose sur nos épaules : il revient à notre génération de choisir les conditions dans lesquelles nous voulons exercer notre métier. Je me souviens d’un journaliste d’un grand quotidien qui est venu avertir ma cohorte universitaire, telle une apparition du futur s’adressant à un public profane, que la dépression et le divorce sont des passages obligés de la vie du journaliste.
Je pose donc la question aux apprentis journalistes qui m’entourent : est-ce qu’on peut faire mieux? Sommes-nous prêts à prendre des risques et à adhérer à une vision innovante et inclusive du journalisme, au lieu de se faire avaler par une industrie qui n’a que faire de nous et qui nous recrachera dans quelques années avec des plumes en moins?
« Reviens sur terre », me direz-vous. « Tu penses que tu vas changer le monde? », entends-je. Tenez-vous le pour dit : certaines personnes travaillent activement à transformer la sphère médiatique. Le Canada est un terreau fertile d'innovation journalistique. Depuis moins d’une décennie, des médias indépendants qui offrent une couverture professionnelle d’enjeux sous-représentés pullulent au pays.
La qualité de ces médias ne se mesure pas au nombre d’articles qu’ils publient, mais bien à leur relation au lectorat. Ils écoutent. Ils s'adaptent. Ils ouvrent le dialogue. Ainsi, ils bâtissent la confiance entre leur industrie et les différentes communautés du Canada, effritée par des décennies de traumatismes liés à des représentations biaisées.
Illustrant la réalité plurielle du Canada, des médias comme The Discourse, The Tyee et La Converse s’affairent activement à transformer notre paysage médiatique. Ils ont montré qu’un modèle d’affaires différent est possible : une approche qui n’est pas dictée par les mêmes facteurs de productivité qui ont exacerbé la précarité de notre métier.
Et pourquoi est-ce important? Car j’ose espérer qu’ensemble, chers futurs et futures journalistes, nous allons pouvoir offrir à la population canadienne une sphère médiatique dans laquelle elle se sent représentée et qui nous permet de nous épanouir. Et si nous relevons ce défi, je suis certain que le journalisme nous aimera en retour.
Photo : Laurence Taschereau