Alors que la Commission européenne vante la solidarité mise de l’avant par son récent pacte, les associations de protection des migrants et migrantes dénoncent la nocivité et la complaisance avec les gouvernements anti-immigration de celui-ci.
Proposé en septembre dernier, le pacte migratoire a pour but de réformer l’ancien système, notamment grâce à une politique de retour supervisé vers les pays d’origine des migrants et migrantes. De plus, le règlement de Dublin, qui exige des pays de première entrée des réfugiés et réfugiées qu’ils évaluent les demandes d’asile, sera modifié. Il permettra désormais à ces pays de transmettre les demandes vers les pays où se trouvent la famille, le travail ou l’ancrage scolaire des demandeurs et demandeuses.
Ces ajouts inquiètent particulièrement les organisations non gouvernementales, selon la chercheuse postdoctorale à l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, Catherine Xhardez. « Les migrants seront rapidement "filtrés" grâce à de nouveaux systèmes de traitement de demande », déplore-t-elle.
Dangereux pour les migrants et migrantes
Les remparts administratifs érigés par le pacte pourraient aggraver la situation des migrants et migrantes, et non estomper la crise. Les nouvelles politiques qui accélèrent le traitement des demandes et les retours expéditifs ne feront « qu'approfondir la logique de détention de masse dans des camps », souligne Mme Xhardez, détentrice d'un double diplôme de doctorat en sciences politiques de l'Université Saint-Louis à Bruxelles et de l’École de la recherche Sciences Po à Paris.
« C’est un leurre de dire qu’en installant des barrières [administratives], cela va décourager les migrants. La seule différence est que les migrants auront à prendre plus de risques pour se rendre en Europe », indique l’ancienne présidente de Médecins sans frontières, la Dre Joanne Liu.
Les discours anti-immigration peuvent créer un malaise. « Il y a une certaine indécence à parler de la vie humaine comme si c’était de la marchandise », ajoute la Dre Liu.
Un défi pour l’Union européenne
« L’immigration est un dossier hypersensible et explosif entre les États de l’Union européenne [UE] et, surtout, entre les États méditerranéens situés aux frontières de l’UE et les pays plus au centre du continent », fait valoir Mme Xhardez.
Situées en bordure de la mer Méditerranée, l'Italie, la Grèce et l'Espagne sont géographiquement plus susceptibles de recevoir d’importants flux de migrants et migrantes. Elles revendiquent donc un meilleur partage des demandes d'asile entre les pays. Plusieurs gouvernements européens, dont ceux composant le groupe de Visegrád, sont hostiles à l'idée de recevoir des migrants ou migrantes entrées dans des pays voisins. Visegrád est une coalition formée en 1991 qui cherche à défendre des intérêts communs de la Hongrie, de la Pologne, de la Slovaquie et de la République Tchèque.
La Commission a été chargée d’édicter un pacte qui convient aux différents États de l’UE, dont les préoccupations migratoires sont différentes. Ce défi hante le continent depuis la crise des migrants et migrantes de 2015.
« Selon certains observateurs, c'est le camp des frileux et des réfractaires qui est récompensé par ce pacte », conclut Catherine Xhardez.
Crédit-photo: Benjamin Richer