Avec la course à la chefferie des conservateurs et conservatrices du Canada, non seulement le visage du parti changera, mais le paysage politique canadien pourrait lui aussi se transformer, et ce, même si le Parti conservateur du Canada (PCC) reste uni.
Qui succèdera à Erin O’Toole, destitué de son trône par le caucus conservateur le 2 février 2022? Certains et certaines considéraient déjà le polémiste Pierre Poilievre, siégeant actuellement à la Chambre des communes, comme étant le favori. D’autres s’attendaient à voir naître de cette mutinerie deux Partis conservateurs dissociés.
Or, avec l’entente conclue entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) le 23 mars 2022, les chances de voir le Parti conservateur se disloquer s’affaiblissent de plus belle. Toutefois, la famille conservatrice reste en période de réflexion.
Ménager la chèvre et le chou
L’alliance entre les libéraux et le NPD pourrait être exploitée par les conservateurs. « Du côté du Parti conservateur, en regardant cette alliance, l’argument de dire que les libéraux sont bel et bien des gauchistes pourrait permettre aux conservateurs d’avoir un discours à géométrie variable en fonction d'à qui il s’adresse », explique le professeur adjoint à l’université de Winnipeg Félix Mathieu, en entrevue avec L’Apostrophe.
« Mais les prochains chefs devront faire très attention en jouant la carte centriste, parce que c’est précisément ce que l'on reprochait à Erin O’Toole », précise-t-il. Le co-auteur du livre Un pays divisé : identité, fédéralisme et régionalisme au Canada soulève aussi le fait que les conservateurs et conservatrices de l’ouest pourraient contempler l’idée de « sacrifier » une possible ascension au pouvoir dans un futur rapproché dans le but de réaligner le parti dans un modèle plus à droite.
Un divorce improbable
L'introspection à laquelle se livre actuellement le PCC devra mener à une solution pour atteler tant bien que mal l’ouest du pays à l’est. Stephen Harper avait triomphé dans son projet d’unifier les conservateurs et conservatrices des deux factions en 2011, mais il l’avait fait dans un contexte où le NPD avait le vent en poupe.
Aujourd’hui, deux franges internes du PCC se regardent en chiens de faïence; une première incarnée par Poilievre et ses propositions simplistes et enflammées, centrées sur la santé économique du pays; une seconde plus modérée qui se rapporte aux tendances centristes d’O’Toole et de Jean Charest.
« Les adversaires du Parti conservateur, en ce moment, souhaiteraient absolument la dissolution du parti pour consolider leur position, [...] mais il y a beaucoup de conservateurs qui restent assez pragmatiques et [...] conviennent qu’ils ne pourraient arriver à faire élire une majorité de députés », nuance Félix Mathieu.
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