Est-ce équitable, dans un sport comme la course, où le gagnant est parfois couronné par des centièmes de secondes, d’être pratiquement la seule à posséder une hormone qui bonifie la performance?
C’est le cas de Caster «supernatural» Semenya, double championne olympique du 800 m et triple championne mondiale, femme hyperandrogène qui produit naturellement la testostérone, une hormone masculine, ce qui lui rend de fiers services.
Alors qu’on se croirait dans cet odieux film des années 90 Bienvenue à Gattaca, (film dans lequel les humains non-génétiquement modifiés sont rendus désuet) Caster Semenya et les quelques autres athlètes hyperandrogènes ne peuvent plus participer à des courses allant du 400m au 1000m. Leurs seules échappatoires? Opiner à prendre des médicaments pour abaisser leur taux de testostérone ou de concourir dans les distances qui leur sont permises.
Semenya a pris la décision de courir pour le 200 m. C’est visiblement la meilleure option pour elle; Supernatural reste fortement avantagée sur ses rivales.
Certains appellent au sexisme, car on accepte que les hommes aient des différences physiques, mais il ne s’agit pas du grand vilain de cette mise en scène. La comparaison est bancale. Il ne s’agit pas de pieds plus palmés pour les nageurs, mais bien d’une hormone qui profère des résultats colossaux. C’est exactement le genre d’avantage que les athlètes tentent d’aller chercher en se dopant. Sauf que pour elles, c’est fait naturellement. Placer ces athlètes avec les hommes ne serait malheureusement pas la solution magique. Semenya enregistre un temps plus lent d’environ 15 secondes que les hommes; son meilleur temps en carrière pour le 800 m est 1 min 54 s, contre 1 min 40 s pour le gagnant chez les hommes, David Rudisha, au JO de 2012.
Hors des normes, point de salut!
Toutes solutions potentielles semblent avoir un fond de sexisme ou de discrimination. Caster n’a pas demandé ce sort, mais elle se retrouve, malgré elle, bien trop avantagée par rapport aux autres coureuses.
Une refonte des catégories semble être la seule solution plus ou moins décente. On pourrait ajouter une troisième catégorie plus hybride avec des limites de poids et de testostérone. Avec cette nouvelle classe, on pourrait régler, du même coup, la situation précaire des cas de transgenre. Dans le sport de haut niveau, ils sont rares, présentement, voire nuls; mais c’est un autre enjeu sociétal auquel la Fédération internationale d’athlétisme devra s’attaquer dans les années à venir. Si c’est cette option qui est retenue, elle ne sera pas mise en activité dès maintenant, de toute évidence. Le monde n’est pas prêt à ça.
Photo par Nicolas Hoizey, unsplash